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CHAPITRE XXXII.

Elles ont beaucoup perdu de leur piquant lorsque les jésuites ont été abolis, et les objets de leurs disputes méprisés.

Le bon goût qui règne d’un bout à l’autre dans ce livre, et la vigueur des dernières lettres, ne corrigèrent pas d’abord le style lâche, diffus, incorrect, et décousu, qui depuis longtemps était celui de presque tous les écrivains, des prédicateurs, et des avocats.

Un des premiers, qui étala dans la chaire une raison toujours éloquente, fut le P. Bourdaloue, vers l’an 1668. Ce fut une lumière nouvelle. Il y a eu après lui d’autres orateurs de la chaire, comme le P. Massillon, évêque de Clermont, qui ont répandu dans leurs discours plus de grâces, des peintures plus fines et plus pénétrantes des mœurs du siècle ; mais aucun ne l’a fait oublier. Dans son style plus nerveux que fleuri, sans aucune imagination dans l’expression, il paraît vouloir plutôt convaincre que toucher, et jamais il ne songe à plaire.

Peut-être serait-il à souhaiter qu’en bannissant de la chaire le mauvais goût qui l’avilissait, il en eût banni aussi cette coutume de prêcher sur un texte. En effet, parler longtemps sur une citation d’une ligne ou deux, se fatiguer à compasser tout son discours sur cette ligne, un tel travail paraît un jeu peu digne de la gravité de ce ministère. Le texte devient une espèce de devise, ou plutôt d’énigme, que le discours développe. Jamais les Grecs et les Romains ne connurent cet usage. C’est dans la décadence des lettres qu’il commença, et le temps l’a consacré.

L’habitude de diviser toujours en deux ou trois points des choses qui, comme la morale, n’exigent aucune division, ou qui en demanderaient davantage, comme la controverse, est encore une coutume gênante, que le P. Bourdaloue trouva introduite, et à laquelle il se conforma.

Il avait été précédé par Bossuet, depuis évêque de Meaux. Celui-ci, qui devint un si grand homme, s’était engagé, dans sa grande jeunesse, à épouser Mlle Desvieux, fille d’un rare mérite. Ses talents pour la théologie, et pour cette espèce d’éloquence qui le caractérise, se montrèrent de si bonne heure que ses parents et ses amis le déterminèrent à ne se donner qu’à l’Église. Mlle Desvieux l’y engagea elle-même, préférant la gloire qu’il devait acquérir au bonheur de vivre avec lui[1]. Il avait prêché

  1. Voyez le Catalogue des écrivains, à l’article Bossuet. (Note de Voltaire.) — Voltaire veut parler ici de Mlle Gary, fille d’un notaire au Châtelet, qui lui avait laissé le petit fief de Mauléon. Le mariage est une fable. Bossuet avait vingt-six ans de plus que Mlle Gary. Il s’intéressa à elle parce qu’à dix ans elle passait pour