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DES BEAUX-ARTS

pour rois[1], il est très-vrai de dire que les rois en sont plus heureux quand il y a beaucoup de leurs sujets philosophes.

Il faut avouer que cet esprit raisonnable qui commence à présider à l’éducation, dans les grandes villes, n’a pu empêcher les fureurs des fanatiques des Cévennes[2], ni prévenir la démence du petit peuple de Paris autour d’un tombeau, à Saint-Médard[3], ni calmer des disputes aussi acharnées que frivoles entre des hommes qui auraient dû être sages ; mais, avant ce siècle, ces disputes eussent causé des troubles dans l’État ; les miracles de Saint-Médard eussent été accrédités par les plus considérables citoyens, et le fanatisme, renfermé dans les montagnes des Cévennes, se fût répandu dans les villes.

Tous les genres de science et de littérature ont été épuisés dans ce siècle ; et tant d’écrivains ont étendu les lumières de l’esprit humain que ceux qui, en d’autres temps, auraient passé pour des prodiges, ont été confondus dans la foule. Leur gloire est peu de chose à cause de leur nombre, et la gloire du siècle en est plus grande.




CHAPITRE XXXII.

DES BEAUX-ARTS


La saine philosophie ne fit pas en France d’aussi grands progrès qu’en Angleterre et à Florence ; et si l’Académie des sciences rendit des services à l’esprit humain, elle ne mit pas la France au-dessus des autres nations. Toutes les grandes inventions et les grandes vérités vinrent d’ailleurs.

Mais, dans l’éloquence, dans la poésie, dans la littérature, dans les livres de morale et d’agrément, les Français furent les législateurs de l’Europe. Il n’y avait plus de goût en Italie. La véritable éloquence était partout ignorée, la religion enseignée ridiculement en chaire, et les causes plaidées de même dans le barreau.

Les prédicateurs citaient Virgile et Ovide ; les avocats, saint

  1. Platon, Républ., livre V.
  2. Voyez au chapitre XXXVI.
  3. Voyez l’Histoire du Parlement de Paris, chapitre LXV.