Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/528

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
508
CHAPITRE XXIX.

Législateur de ses peuples, il le fut de ses armées. Il est étrange qu’avant lui on ne connût point les habits uniformes dans les troupes. Ce fut lui qui, la première année de son administration, ordonna que chaque régiment fût distingué par la couleur des habits ou par différentes marques, règlement adopté bientôt par toutes les nations. Ce fut lui[1] qui institua les brigadiers, et qui mit les corps dont la maison du roi est formée sur le pied où ils sont aujourd’hui. Il fit une compagnie de mousquetaires des gardes du cardinal Mazarin, et fixa à cinq cents hommes le nombre des deux compagnies auxquelles il donna l’habit qu’elles portent encore.

Sous lui, plus de connétable ; et après la mort du duc d’Épernon, plus de colonel général de l’infanterie : ils étaient trop maîtres ; il voulait l’être, et le devait. Le maréchal de Grammont, simple mestre de camp des gardes-françaises, sous le duc d’Épernon, et prenant l’ordre de ce colonel général, ne le prit plus que du roi, et fut le premier qui eut le nom de colonel des gardes. Il installait lui-même ces colonels à la tête du régiment, en leur donnant de sa main un hausse-col doré avec une pique, et ensuite un esponton, quand l’usage des piques fut aboli. Il institua les grenadiers, d’abord au nombre de quatre par compagnie, dans le régiment du roi, qui est de sa création ; ensuite il forma une compagnie de grenadiers dans chaque régiment d’infanterie ; il en donna deux aux gardes-françaises ; maintenant il y en a dans toute l’infanterie une par bataillon. Il augmenta beaucoup le corps des dragons, et leur donna un colonel général. Il ne faut pas oublier l’établissement des haras, en 1667. Ils étaient absolument abandonnés auparavant, et ils furent d’une grande ressource pour remonter la cavalerie. Ressource importante, depuis trop négligée[2].

    bué que les lois à diminuer la fureur des duels. Louis XIV n’a réellement détruit que l’usage d’appeler des seconds. Ses lois n’ont pas empêché que, de Stockholm à Cadix, tout gentilhomme qui refuse un appel, ou qui souffre une injure, ne soit déshonoré. Louis XIV lui-même n’eût ni osé ni voulu forcer un régiment à conserver un officier qui eût obéi à ses édits. Établir la peine de mort contre un homme qui a prouvé qu’il préférait la mort à l’infamie est une loi également absurde et barbare, digne, en un mot, de la superstition qui l’avait inspirée. (K.)

  1. L’abbé de Saint-Pierre, dans ses Annales, ne parle que de cette institution de brigadiers, et oublie tout ce que Louis XIV fit pour la discipline militaire. (Note de Voltaire.)
  2. Pour qu’un pays produise des chevaux, il faut que les propriétaires de terres, ou les cultivateurs qui les représentent, trouvent du profit à en élever ; il faut, de plus, que les impôts permettent aux cultivateurs de faire les avances qu’exige ce commerce. Il est aisé de voir que des haras régis pour le compte du roi ne peuvent