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CHAPITRE XXIX.

furent fabriqués dans Abbeville. Le roi avançait au manufacturier deux mille livres par chaque métier battant, outre des gratifications considérables. On compta, dans l’année 1669, quarante-quatre mille deux cents métiers en laine dans le royaume. Les manufactures de soie perfectionnées produisirent un commerce de plus de cinquante millions de ce temps-là ; et non-seulement l’avantage qu’on en tirait était beaucoup au-dessus de l’achat des soies nécessaires, mais la culture des mûriers mit les fabricants en état de se passer des soies étrangères pour la trame des étoffes.

On commença dès 1666 à faire d’aussi belles glaces qu’à Venise, qui en avait toujours fourni toute l’Europe ; et bientôt on en fit dont la grandeur et la beauté n’ont pu jamais être imitées ailleurs. Les tapis de Turquie et de Perse furent surpassés à la Savonnerie. Les tapisseries de Flandre cédèrent à celle des Gobelins. Ce vaste enclos des Gobelins était rempli alors de plus de huit cents ouvriers ; il y en avait trois cents qu’on y logeait : les meilleurs peintres dirigeaient l’ouvrage, ou sur leurs propres dessins, ou sur ceux des anciens maîtres d’Italie. C’est dans cette enceinte des Gobelins qu’on fabriquait encore des ouvrages de rapport, espèce de mosaïque admirable ; et l’art de la marqueterie fut poussé à sa perfection.

Outre cette belle manufacture de tapisseries aux Gobelins, on en établit une autre à Beauvais. Le premier manufacturier eut six cents ouvriers dans cette ville ; et le roi lui fit présent de soixante mille livres.

Seize cents filles furent occupées aux ouvrages de dentelles : on fit venir trente principales ouvrières de Venise, et deux cents de Flandre ; et on leur donna trente-six mille livres pour les encourager.

Les fabriques des draps de Sedan, celles des tapisseries d’Aubusson, dégénérées et tombées, furent rétablies. Les riches étoffes où la soie se mêle avec l’or et l’argent se fabriquèrent à Lyon, à Tours, avec une industrie nouvelle.

On sait que le ministère acheta en Angleterre le secret de cette machine ingénieuse avec laquelle on fait les bas dix fois plus promptement qu’à l’aiguille. Le fer-blanc, l’acier, la belle faïence, les cuirs maroquinés qu’on avait toujours fait venir de loin, furent travaillés en France. Mais les calvinistes, qui avaient le secret du fer-blanc et de l’acier, emportèrent, en 1686, ce secret avec eux, et firent partager cet avantage et beaucoup d’autres à des nations étrangères.

Le roi achetait tous les ans pour environ huit cent mille de