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Enfin il a fallu que je lui ordonne de se retirer, parce que tout ce qui passait par lui perdait de la grandeur et de la force qu’on doit avoir en exécutant les ordres d’un roi de France. Si j’avais pris le parti de l’éloigner plus tôt, j’aurais évité les inconvénients qui me sont arrivés, et je ne me reprocherais pas que ma complaisance pour lui a pu nuire à l’État. J’ai fait ce détail pour faire voir un exemple de ce que j’ai dit ci-devant. »

Ce monument si précieux, et jusqu’à présent inconnu, dépose à la postérité en faveur de la droiture et de la magnanimité de son âme. On peut même dire qu’il se juge trop sévèrement, qu’il n’avait nul reproche à se faire sur M. de Pomponne, puisque les services de ce ministre et sa réputation avaient déterminé le choix de ce prince, confirmé par l’approbation universelle ; et s’il se condamne sur le choix de M. de Pomponne, qui eut au moins le bonheur de servir dans les temps les plus glorieux, que ne devait-il pas se dire sur M. de Chamillart, dont le ministère fut si infortuné, et condamné si universellement ?

Il avait écrit plusieurs mémoires dans ce goût, soit pour se rendre compte à lui-même, soit pour l’instruction du dauphin, duc de Bourgogne. Ces réflexions vinrent après les événements. Il eût approché davantage de la perfection où il avait le mérite d’aspirer s’il eût pu se former une philosophie supérieure à la politique ordinaire et aux préjugés ; philosophie que dans le cours de tant de siècles on voit pratiquée par si peu de souverains, et qu’il est bien pardonnable aux rois de ne pas connaître, puisque tant d’hommes privés l’ignorent.

Voici une partie[1] des instructions qu’il donne à son petit-fils,

  1. Sur trente-trois articles que contenaient ces instructions, Voltaire en rapporte vingt-sept. Il avait omis les six premiers, que voici :
    1

    Ne manqués a aucun de uos devoirs surtout enuers dieu

    2

    Conserués nous dans la pureté de uostre éducation

    3

    Faittes honorer dieu par tout ou uous aurés du pouuoir procurés sa gloire donnés en lexemple cest un des plus grands biens que les roys puissent faire

    4

    Desclarés uous en toute occation pour la uertu et contre le uice.

    5

    Naiés jamais dattachement pour personne

    6

    Aimés uotre femme uiués bien auec elle demandés en une a dieu qui nous contienne Je ne croy pas que uous deuiés prendre une autrichienne.

    C’est M. A.-A. Renounard qui, le premier, a, en 1819, ajouté ces six articles.