Versailles, en 1686. Elle donna alors à cet établissement toute sa forme, en fit les règlements avec Godet Desmarets, évêque de Chartres, et fut elle-même supérieure de ce couvent. Elle y allait souvent passer quelques heures ; et quand je dis que l’ennui la déterminait à ces occupations, je ne parle que d’après elle. Qu’on lise ce qu’elle écrivait à Mme de La Maisonfort, dont il est parlé dans le chapitre du Quiétisme.
Que ne puis-je vous donner mon expérience ! que ne puis-je vous faire voir l’ennui qui dévore les grands, et la peine qu’ils ont à remplir leurs journées ! Ne voyez-vous pas que je meurs de tristesse, dans une fortune qu’on aurait eu peine à imaginer ? J’ai été jeune et jolie ; j’ai goûté les plaisirs ; j’ai été aimée partout. Dans un âge plus avancé, j’ai passé des années dans le commerce de l’esprit ; je suis venue à la faveur, et je vous proteste, ma chère fille, que tous les états laissent un vide affreux[1]. »
Si quelque chose pouvait détromper de l’ambition, ce serait assurément cette lettre. Mme de Maintenon, qui pourtant n’avait d’autre chagrin que l’uniformité de sa vie auprès d’un grand roi[2], disait un jour au comte d’Aubigné, son frère : « Je n’y peux plus tenir, je voudrais être morte. » On sait quelle réponse il lui fit : « Vous avez donc parole d’épouser Dieu le père ? »
À la mort du roi, elle se retira entièrement à Saint-Cyr. Ce qui peut surprendre, c’est que le roi ne lui avait presque rien assuré. Il la recommanda seulement au duc d’Orléans. Elle ne voulut qu’une pension de quatre-vingt mille livres, qui lui fut exactement payée jusqu’à sa mort, arrivée en 1719, le 15 d’avril. On a trop affecté d’oublier dans son épitaphe le nom de Scarron : ce nom n’est point avilissant, et l’omission ne sert qu’à faire penser qu’il peut l’être.
La cour fut moins vive et plus sérieuse depuis que le roi commença à mener avec Mme de Maintenon une vie plus retirée ; et la maladie considérable qu’il eut en 1686 contribua encore à lui ôter le goût de ces fêtes galantes qui avaient jusque-là signalé presque toutes ses années. Il fut attaqué d’une fistule dans le dernier des intestins. L’art de la chirurgie, qui fit sous ce règne plus de progrès en France que dans tout le reste de l’Europe, n’était pas encore familiarisé avec cette maladie. Le cardinal de Richelieu en était