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Ni les plaisirs, ni les embellissements des maisons royales et de Paris, ni les soins de la police du royaume, ne discontinuèrent pendant la guerre de 1666.

Le roi dansa dans les ballets jusqu’en 1670. Il avait alors trente-deux ans. On joua devant lui, à Saint-Germain, la tragédie de Britannicus ; il fut frappé de ces vers :


Pour toute ambition, pour vertu singulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière ;
À disputer des prix indignes de ses mains ;
À se donner lui-même en spectacle aux Romains.


Dès lors il ne dansa plus en public, et le poëte réforma le monarque[1]. Son union avec Mme la duchesse de La Vallière subsistait toujours, malgré les infidélités fréquentes qu’il lui faisait[2]. Ces infidélités lui coûtaient peu de soins. Il ne trouvait guère de femmes qui lui résistassent, et revenait toujours à celle qui, par la douceur et par la bonté de son caractère, par un amour vrai, et même par les chaînes de l’habitude, l’avait subjugué sans art ; mais, dès l’an 1669, elle s’aperçut que Mme de Montespan prenait de l’ascendant ; elle combattit avec sa douceur ordinaire ; elle supporta le chagrin d’être témoin longtemps du triomphe de sa rivale, et sans presque se plaindre ; elle se crut encore heureuse, dans sa douleur, d’être considérée du roi, qu’elle aimait toujours, et de le voir sans en être aimée.

Enfin, en 1675, elle embrassa la ressource des âmes tendres, auxquelles il faut des sentiments vifs et profonds qui les subjuguent. Elle crut que Dieu seul pouvait succéder dans son cœur à son amant. Sa conversion fut aussi célèbre que sa tendresse. Elle se fit carmélite à Paris, et persévéra. Se couvrir d’un cilice, marcher pieds nus, jeûner rigoureusement, chanter la nuit au chœur dans une langue inconnue, tout cela ne rebuta point la délicatesse d’une femme accoutumée à tant de gloire, de mollesse et de plaisirs. Elle vécut dans ces austérités depuis 1675 jusqu’en 1710, sous le nom seul de sœur Louise de la Miséricorde. Un roi qui

  1. Voyez page 425.
  2. Mme de Montespan, belle et avec ce tour d’esprit alors, disait-on, particulier aux Rochechouart, était haute, capricieuse, dominée par une humeur qui n’épargnait pas même le roi. La reine en éprouvait des hauteurs, et disait souvent : Cette… me fera mourir. Au lieu que la duchesse de La Vallière, par ses respects, par ses soumissions, par sa honte même, semblait lui demander pardon d’être aimée : aussi fut-elle toujours traitée avec bonté. (Duclos.)