(1664) La farce du Mariage forcé fut aussi jouée à cette fête. Mais ce qu’il y eut de véritablement admirable, ce fut la première représentation des trois premiers actes du Tartuffe. Le roi voulut voir ce chef-d’œuvre avant même qu’il fût achevé. Il le protégea depuis contre les faux dévots, qui voulurent intéresser la terre et le ciel pour le supprimer ; et il subsistera, comme on l’a déjà dit ailleurs[1], tant qu’il y aura en France du goût et des hypocrites.
La plupart de ces solennités brillantes ne sont souvent que pour les yeux et les oreilles. Ce qui n’est que pompe et magnificence passe en un jour ; mais quand des chefs-d’œuvre de l’art, comme le Tartuffe, font l’ornement de ces fêtes, elles laissent après elles une éternelle mémoire.
se souvient encore de plusieurs traits de ces allégories de Benserade, qui ornaient les ballets de ce temps-là. Je ne citerai que ces vers[2] pour le roi représentant le Soleil :
Je doute qu’on le prenne avec vous sur le ton
De Daphné ni de Phaéton,
Lui trop ambitieux, elle trop inhumaine.
Il n’est point là de piège où vous puissiez donner :
Le moyen de s’imaginer
Qu’une femme vous fuie, et qu’un homme vous mène ?
La principale gloire de ces amusements, qui perfectionnaient en France le goût, la politesse, et les talents, venait de ce qu’ils ne dérobaient rien aux travaux continuels du monarque. Sans ces travaux il n’aurait su que tenir une cour, il n’aurait pas su régner ; et si les plaisirs magnifiques de cette cour avaient insulté à la misère du peuple, ils n’eussent été qu’odieux ; mais le même homme qui avait donné ces fêtes avait donné du pain au peuple dans la disette de 1662. Il avait fait venir des grains, que les riches achetèrent à vil prix, et dont il fit des dons aux pauvres familles à la porte du Louvre ; il avait remis au peuple trois millions de tailles ; nulle partie de l’administration intérieure n’était négligée ; son gouvernement était respecté au dehors. Le roi d’Espagne, obligé de lui céder la préséance ; le pape, forcé de lui faire satisfaction ; Dunkerque ajouté à la France par un marché glorieux à l’acquéreur et honteux pour le vendeur ; enfin toutes ses démarches, depuis qu’il tenait les rênes, avaient été ou nobles ou utiles : il était beau après cela de donner des fêtes.