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France, qu’il avait toujours conservés ; et que le duc de Berry, son frère, héritier présomptif de la France après l’unique arrière-petit-fils qui restait à Louis XIV, renonçât aussi à la couronne d’Espagne en cas qu’il devînt roi de France. On voulut que le duc d’Orléans fît la même renonciation. On venait d’éprouver, par douze ans de guerre, combien de tels actes lient peu les hommes. Il n’y a point encore de loi reconnue qui oblige les descendants à se priver du droit de régner, auquel auront renoncé les pères[1].

Ces renonciations ne sont efficaces que lorsque l’intérêt commun continue de s’accorder avec elles. Mais enfin elles calmaient, pour le moment présent, une tempête de douze années, et il était probable qu’un jour plus d’une nation réunie soutiendrait ces renonciations, devenues la base de l’équilibre et de la tranquillité de l’Europe.

On donnait par ce traité au duc de Savoie l’île de Sicile, avec le titre de roi ; et dans le continent, Fénestrelle, Exilles, et la vallée de Pragelas. Ainsi on prenait pour l’agrandir sur la maison de Bourbon.

On donnait aux Hollandais une barrière considérable qu’ils avaient toujours désirée ; et si l’on dépouillait la maison de France de quelques domaines en faveur du duc de Savoie, on prenait en effet sur la maison d’Autriche de quoi satisfaire les Hollandais, qui devaient devenir à ses dépens les conservateurs et les maîtres des plus fortes villes de la Flandre. On avait égard aux intérêts de la Hollande dans le commerce ; on stipulait ceux du Portugal.

On réservait à l’empereur la souveraineté des huit provinces et demie de la Flandre espagnole, et le domaine utile des villes de la barrière. On lui assurait le royaume de Naples et la Sardaigne, avec tout ce qu’il possédait en Lombardie, et les quatre ports sur les côtes de la Toscane. Mais le conseil de Vienne se croyait trop lésé, et ne pouvait souscrire à ces conditions.

À l’égard de l’Angleterre, sa gloire et ses intérêts étaient en sûreté. Elle faisait démolir et combler le port de Dunkerque, objet de tant de jalousie. L’Espagne la laissait en possession de Gibraltar et de l’île Minorque. La France lui abandonnait la baie d’Hudson, l’île de Terre-Neuve, et l’Acadie. Elle obtenait, pour le commerce en Amérique, des droits qu’on ne donnait pas aux Français qui avaient placé Philippe V sur le trône. Il faut encore

  1. Ces renonciations ne peuvent devenir obligatoires que par la sanction des seuls vrais intéressés, les peuples. (K.)