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çais étaient maîtres ; il y perd du monde, et retourne à son camp après avoir été témoin de cette défaite.

Tous les postes vers Marchiennes, le long de la Scarpe, sont emportés l’un après l’autre avec rapidité. (30 juillet 1712) On pousse à Marchiennes, défendue par quatre mille hommes ; on en presse le siège avec tant de vivacité qu’au bout de trois jours on les fait prisonniers, et qu’on se rend maître de toutes les munitions de guerre et de bouche amassées par les ennemis pour la campagne. Alors toute la supériorité est du côté du maréchal de Villars. (Septembre et octobre 1712) L’ennemi, déconcerté, lève le siège de Landrecies, et voit reprendre Douai, le Quesnoi, Bouchain. Les frontières sont en sûreté. L’armée du prince Eugène se retire, diminuée de près de cinquante bataillons, dont quarante furent pris, depuis le combat de Denain jusqu’à la un de la campagne. La victoire la plus signalée n’aurait pas produit de plus grands avantages.

Si le maréchal de Villars avait eu cette faveur populaire qu’ont eue quelques autres généraux, on l’eût appelé à haute voix le restaurateur de la France ; mais on avouait à peine les obligations qu’on lui avait, et, dans la joie publique d’un succès inespéré, l’envie prédominait encore[1].

Chaque progrès du maréchal de Villars hâtait la paix d’Utrecht. Le ministère de la reine Anne, responsable à sa patrie et à l’Europe, ne négligea ni les intérêts de l’Angleterre, ni ceux des alliés, ni la sûreté publique. Il exigea d’abord que Philippe V, affermi en Espagne, renonçât à ses droits sur la couronne de

  1. Le maréchal de Villars eut à Versailles une partie de l’appartement qu’avait occupé Monseigneur, et le roi vint l’y voir. L’auteur des Mémoires de Maintenon, qui confond tous les temps, dit, tome V, page 119 de ces Mémoires, que le maréchal de Villars arriva dans les jardins de Marly, et que le roi lui ayant dit « qu’il était très-content de lui », le maréchal, se tournant vers les courtisans, leur dit : « Messieurs, au moins vous l’entendez. » Ce conte, rapporté dans cette occasion, ferait tort à un homme qui venait de rendre de si grands services. Ce n’est pas dans ces moments de gloire qu’on fait ainsi remarquer aux courtisans que le roi est content. Cette anecdote défigurée est de l’année 1711. Le roi lui avait ordonné de ne point attaquer le duc de Marlborough. Les Anglais prirent Bouchain. On murmurait contre le maréchal de Villars. Ce fut après cette campagne de 1711 que le roi lui dit qu’il était content ; et c’est alors qu’il pouvait convenir à un général d’imposer silence aux reproches des courtisans en leur disant que son souverain était satisfait de sa conduite, quoique malheureuse.

    Ce fait est très-peu important ; mais il faut de la vérité dans les plus petites choses. (Note de Voltaire.) — On voit, par des lettres écrites dans ce temps-là, qu’à la première nouvelle du combat de Denain on regardait généralement à la cour cette affaire comme un léger avantage auquel la vanité du maréchal de Villars voulait donner de l’importance. (K.)