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ne pouvait encore se dégager ouvertement ; elle avait envoyé à l’armée du prince Eugène le duc d’Ormond avec douze mille Anglais, et payait encore beaucoup de troupes allemandes. Le prince Eugène, ayant brûlé le faubourg d’Arras, s’avançait sur l’armée française. Il proposa au duc d’Ormond de livrer bataille. Le général anglais avait été envoyé pour ne point combattre. Les négociations particulières entre l’Angleterre et la France avançaient. Une suspension d’armes fut publiée entre les deux couronnes. Louis XIV fit remettre aux Anglais la ville de Dunkerque pour sûreté de ses engagements (19 juillet 1721). Le duc d’Ormond se retira vers Gand. Il voulut emmener avec les troupes de sa nation celles qui étaient à la solde de sa reine ; mais il ne put se faire suivre que de quatre escadrons de Holstein et d’un régiment liégeois. Les troupes du Brandebourg, du Palatinat, de Saxe, de Hesse, de Danemark, restèrent sous les drapeaux du prince Eugène, et furent payées par les Hollandais. L’électeur de Hanovre même, qui devait succéder à la reine Anne, laissa malgré elle ses troupes aux alliés, et fit voir que, si sa famille attendait la couronne d’Angleterre, ce n’était pas sur la faveur de la reine Anne qu’elle comptait.

Le prince Eugène, privé des Anglais, était encore supérieur de vingt mille hommes à l’armée française ; il l’était par sa position, par l’abondance de ses magasins, et par neuf ans de victoires.

Le maréchal de Villars ne put l’empêcher de faire le siège de Landrecies. La France, épuisée d’hommes et d’argent, était dans la consternation. Les esprits ne se rassuraient point par les conférences d’Utrecht, que les succès du prince Eugène pouvaient rendre infructueuses. Déjà même des détachements considérables avaient ravagé une partie de la Champagne, et pénétré jusqu’aux portes de Reims.

Déjà l’alarme était à Versailles comme dans le reste du royaume. La mort du fils unique du roi, arrivée depuis un an ; le duc de Bourgogne, la duchesse de Bourgogne (février 1712), leur fils aîné (mars), enlevés rapidement depuis quelques mois, et portés dans le même tombeau ; le dernier de leurs enfants moribond ; toutes ces infortunes domestiques, jointes aux étrangères et à la misère publique, faisaient regarder la fin du règne de Louis XIV comme un temps marqué pour la calamité ; et l’on s’attendait à plus de désastres que l’on n’avait vu auparavant de grandeur et de gloire.

(11 juin 1712) Précisément dans ce temps-là mourut en Espagne le duc de Vendôme. L’esprit de découragement, généra-