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comme feudataire fut traité comme sujet. Il taxa la Toscane à cent cinquante mille pistoles, Mantoue à quarante mille. Parme, Modène, Lucques, Gênes, malgré leur liberté, furent comprises dans ces impositions.

L’empereur qui jouit de tous ces avantages n’était pas ce Léopold, ancien rival de Louis XIV, qui, sous les apparences de la modération, avait nourri sans éclat une ambition profonde. C’était son fils aîné Joseph, vif, fier, emporté, et qui cependant ne fut pas plus grand guerrier que son père. Si jamais empereur parut fait pour asservir l’Allemagne et l’Italie, c’était Joseph Ier. Il domina delà les monts ; il rançonna le pape ; il fit mettre de sa seule autorité, en 1706, les électeurs de Bavière et de Cologne au ban de l’empire ; il les dépouilla de leur électorat ; il retint en prison les enfants du Bavarois, et leur ôta jusqu’à leur nom[1]. Leur père n’eut d’autre ressource que d’aller traîner sa disgrâce en France et dans les Pays-Bas. Philippe V lui céda depuis toute la Flandre espagnole en 1712[2]. S’il avait gardé cette province, c’était un établissement qui valait mieux que la Bavière, et qui le délivrait de l’assujettissement à la maison d’Autriche ; mais il ne put jouir que des villes de Luxembourg, de Namur, et de Charleroi ; le reste était aux vainqueurs.

Tout semblait déjà menacer ce Louis XIV qui avait auparavant menacé l’Europe. Le duc de Savoie pouvait entrer en France. L’Angleterre et l’Écosse se réunissaient pour ne plus composer qu’un seul royaume ; ou plutôt l’Écosse, devenue province de l’Angleterre, contribuait à la puissance de son ancienne rivale. Tous les ennemis de la France semblaient, vers la fin de 1706 et au commencement de 1707, acquérir des forces nouvelles, et la France toucher à sa ruine. Elle était pressée de tous côtés, et sur mer et sur terre. De ces flottes formidables que Louis XIV avait formées il restait à peine trente-cinq vaisseaux. En Allemagne, Strasbourg

  1. Le duc de Bavière était père de ce jeune prince, appelé par Charles II au trône d’Espagne, et mort à Bruxelles. L’électeur, dans son manifeste contre l’empereur, dit, en parlant de la mort de son fils, « qu’il avait succombé à un mal qui avait souvent sans péril attaqué son enfance, avant qu’il eût été déclaré l’héritier de Charles II ». Il ajoutait que « l’étoile de la maison d’Autriche avait toujours été funeste à ceux qui s’étaient opposés à sa grandeur ». Une accusation directe eût peut-être été moins insultante que cette terrible ironie. Le duc de Bavière, en se séparant de l’empire pour s’unir à un prince en guerre avec l’empire, donnait un prétexte à l’empereur. Louis XIV avait traité avec autant de dureté le duc de Lorraine et l’électeur palatin, et il avait moins d’excuses. (K.)
  2. Dans l’histoire de Reboulet, il est dit qu’il eut cette souveraineté dès l’an 1700 ; mais alors il n’avait que la vice-royauté. (Note de Voltaire.)