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Cette bataille y est représentée dans les tableaux et sur les tapisseries. Les remerciements des chambres du parlement, ceux des villes et des bourgades, les acclamations de l’Angleterre, furent le premier prix qu’il reçut de sa victoire. Le poëme du célèbre Addison, monument plus durable que le palais de Bleinheim, est compté par cette nation guerrière et savante parmi les récompenses les plus honorables du duc de Marlborough. L’empereur le fit prince de l’empire, en lui donnant la principauté de Mindelheim, qui fut depuis échangée contre une autre ; mais il n’a jamais été connu sous ce titre, le nom de Marlborough étant devenu le plus beau qu’il pût porter.

L’armée de France, dispersée, laisse aux alliés une carrière ouverte du Danube au Rhin. Ils passent le Rhin : ils entrent en Alsace. Le prince Louis de Bade, général célèbre pour les campements et pour les marches, investit Landau, que les Français avaient repris. Le roi des Romains, Joseph, fils aîné de l’empereur Léopold, vient à ce siège. On prend Landau ; on prend Trarbach (19 et 23 novembre 1704).

Cent lieues de pays perdues n’empêchent pas que les frontières de la France ne fussent encore reculées. Louis XIV soutenait son petit-fils en Espagne, et était victorieux en Italie. Il fallait de grands efforts en Allemagne pour résister à Marlborough ; et on les fit. On rassembla les débris de l’armée ; on épuisa les garnisons, on fit marcher des milices. Le ministère emprunta de l’argent de tous côtés. Enfin on eut une armée ; et on rappela du fond des Cévennes le maréchal de Villars pour la commander. Il vint, et se trouva près de Trêves, avec des forces inférieures, vis-à-vis le général anglais. Tous deux voulaient donner une nouvelle bataille. Mais le prince de Bade n’étant pas venu assez tôt joindre ses troupes aux Anglais, Villars eut au moins l’honneur de faire décamper Marlborough (mai 1705). C’était beaucoup alors. Le duc de Marlborough, qui estimait assez le maréchal de Villars pour vouloir en être estimé, lui écrivit en décampant : « Rendez-moi la justice de croire que ma retraite est la faute du prince de Bade, et que je vous estime encore plus que je ne suis fâché contre lui. »

Les Français avaient donc encore des barrières en Allemagne. La Flandre, où commandait le maréchal de Villeroi délivré de sa prison, n’était pas entamée. En Espagne, le roi Philippe V et l’archiduc Charles attendaient tous deux la couronne : le premier, de la puissance de son grand-père et de la bonne volonté de la plupart des Espagnols ; le second, du secours des Anglais, et des