Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que parti que je prenne, ajouta-t-il, je sais bien que je serai blâmé[1]. »

Les actions des rois, tout flattés qu’ils sont, éprouvent toujours tant de critiques que le roi d’Angleterre lui-même essuya des reproches dans son parlement, et ses ministres furent poursuivis pour avoir fait le traité de partage. Les Anglais, qui raisonnent mieux qu’aucun peuple, mais en qui la fureur de l’esprit de parti éteint quelquefois la raison, criaient à la fois, et contre Guillaume qui avait fait le traité, et contre Louis XIV qui le rompait.

L’Europe parut d’abord dans l’engourdissement de la surprise et de l’impuissance quand elle vit la monarchie d’Espagne soumise à la France, dont elle avait été trois cents ans la rivale. Louis XIV semblait le monarque le plus heureux et le plus puissant de la terre. Il se voyait à soixante et deux ans entouré d’une nombreuse postérité ; un de ses petits-fils allait gouverner, sous ses ordres, l’Espagne, l’Amérique, la moitié de l’Italie, et les Pays-Bas. L’empereur n’osait encore que se plaindre.

Le roi Guillaume, à l’âge de cinquante-deux ans[2], devenu infirme et faible, ne paraissait plus un ennemi dangereux. Il lui fallait le consentement de son parlement pour faire la guerre ; et Louis avait fait passer de l’argent en Angleterre, avec lequel il espérait disposer de plusieurs voix de ce parlement. Guillaume et la Hollande, n’étant pas assez forts pour se déclarer, écrivirent à Philippe V, comme au roi légitime d’Espagne (février 1701). Louis XIV était assuré de l’électeur de Bavière, père du jeune prince qui était mort désigné roi. Cet électeur, gouverneur des Pays-Bas au nom du dernier roi Charles II, assurait tout d’un coup à Philippe V la possession de la Flandre, et ouvrait dans son électorat le chemin de Vienne aux armées françaises, en cas que

  1. Malgré le mépris où sont en France les prétendus Mémoires de madame de Maintenon, on est pourtant obligé d’avertir les étrangers que tout ce qu’on y dit au sujet de ce testament est faux. L’auteur prétend que lorsque l’ambassadeur d’Espagne vint apporter à Louis XIV les dernières volontés de Charles II, le roi lui répondit : Je verrai. Certainement le roi ne fit point une réponse si étrange, puisque, de l’aveu du marquis de Torcy, l’ambassadeur d’Espagne n’eut audience de Louis XIV qu’après le conseil dans lequel le testament fut accepté.

    Le ministre qu’on avait alors en Espagne s’appelait Blécour, et non pas Belcour. Ce que le roi dit a l’ambassadeur Castel dos Rios, dans les Mémoires de Maintenon, n’a jamais été dit que dans ce roman. (Note de Voltaire.)

  2. Guillaume III, né, suivant les uns, le 14 octobre 1650, suivant les astres le 13 novembre, est mort le 16 mars 1702, avant d’avoir atteint sa cinquante-deuxième année. Il était dans la cinquante et unième au commencement de 1701. (B.)