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Le roi, pendant qu’il perdait Namur, fit bombarder Bruxelles : vengeance inutile, qu’il prenait sur le roi d’Espagne, de ses villes bombardées par les Anglais. Tout cela faisait une guerre ruineuse et funeste aux deux partis.

C’est, depuis deux siècles, un des effets de l’industrie et de la fureur des hommes que les désolations de nos guerres ne se bornent pas à notre Europe. Nous nous épuisons d’hommes et d’argent pour aller nous détruire aux extrémités de l’Asie et de l’Amérique. Les Indiens, que nous avons obligés par force et par adresse à recevoir nos établissements, et les Américains dont nous avons ensanglanté et ravi le continent, nous regardent comme des ennemis de la nature humaine, qui accourent du bout du monde pour les égorger, et pour se détruire ensuite eux-mêmes.

Les Français n’avaient de colonies dans les grandes Indes que celle de Pondichéry, formée par les soins de Colbert avec des dépenses immenses, dont le fruit ne pouvait être recueilli qu’au bout de plusieurs années. Les Hollandais s’en saisirent aisément, et ruinèrent aux Indes le commerce de la France à peine établi.

(1695) Les Anglais détruisirent les plantations de la France à Saint-Domingue. (1696) Un armateur de Brest ravagea celles qu’ils avaient à Gambie dans l’Afrique. Les armateurs de Saint-Malo portèrent le fer et le feu à Terre-Neuve sur la côte orientale qu’ils possédaient. Leur île de la Jamaïque fut insultée par les escadres françaises, leurs vaisseaux pris et brûlés, leurs côtes saccagées.

Pointis, chef d’escadre, à la tête de plusieurs vaisseaux du roi et de quelques corsaires de l’Amérique, alla surprendre (mai 1697) auprès de la ligne la ville de Carthagène, magasin et entrepôt des trésors que l’Espagne tire du Mexique. Le dommage qu’il y causa fut estimé vingt millions de nos livres, et le gain, dix millions. Il y a toujours quelque chose à rabattre de ces calculs, mais rien des calamités extrêmes que causent ces expéditions glorieuses.

Les vaisseaux marchands de Hollande et d’Angleterre étaient tous les jours la proie des armateurs de France, et surtout de du Guai-Trouin, homme unique en son genre, auquel il ne manquait que de grandes flottes pour avoir la réputation de Dragut ou de Barberousse.

Jean-Bart se fit aussi une grande réputation parmi les corsaires. De simple matelot il devint enfin chef d’escadre, ainsi que du Guai-Trouin. Leurs noms sont encore illustres.

Les ennemis prenaient moins de vaisseaux marchands fran-