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kerque, à Nervinde, ne l’avaient jamais été d’une manière complète. Le roi Guillaume fit toujours de belles retraites, et quinze jours après une bataille, il eût fallu lui en livrer une autre pour être le maître de la campagne. La cathédrale de Paris était remplie des drapeaux ennemis. Le prince de Conti appelait le maréchal de Luxembourg le Tapissier de Notre-Dame. On ne parlait que de victoires. Cependant Louis XIV avait autrefois conquis la moitié de la Hollande et de la Flandre, toute la Franche-Comté, sans donner un seul combat ; et maintenant, après les plus grands efforts et les victoires les plus sanglantes, on ne pouvait entamer les Provinces-Unies ; on ne pouvait même faire le siège de Bruxelles.

(1er et 2 septembre 1692). Le maréchal de Lorges avait aussi, de son côté, gagné un grand combat près de Spire-bach ; il avait même pris le vieux duc de Virtemberg ; il avait pénétré dans son pays ; mais, après l’avoir envahi par une victoire, il avait été contraint d’en sortir. Monseigneur vint prendre une seconde fois et saccager Heidelberg, que les ennemis avaient repris ; et ensuite il fallut se tenir sur la défensive contre les Impériaux.

Le maréchal de Catinat ne put, après sa victoire de Staffarde et la conquête de la Savoie, garantir le Dauphiné d’une irruption de ce même duc de Savoie, ni, après sa victoire de la Marsaille, sauver l’importante ville de Casal[1].

En Espagne, le maréchal de Noailles gagna aussi une bataille (27 mai 1694) sur le bord du Ter. Il prit Gironne et quelques petites places ; mais il n’avait qu’une armée faible, et il fut obligé après sa victoire de se retirer devant Barcelone. Les Français, vainqueurs de tous côtés et affaiblis par leurs succès, combattaient dans les alliés une hydre toujours renaissante. Il commençait à devenir difficile en France de faire des recrues, et encore plus de trouver de l’argent. La rigueur de la saison, qui détruisit les biens de la terre en ce temps, apporta la famine. On périssait de misère au bruit des Te Deum et parmi les réjouissances. Cet esprit de confiance et de supériorité, l’âme des troupes françaises, diminuait déjà un peu. Louis XIV cessa de paraître à leur tête. Louvois[2] était mort (16 juillet 1691) ; on était très-mécontent de Barbesieux[3], son fils. (Janvier 1695) Enfin la mort du maréchal de Luxembourg, sous qui les soldats se croyaient invincibles,

  1. On laissa prendre Casal, en 1695, au duc de Savoie, par suite d’intelligences secrètes. Voyez chapitre xvii.
  2. Voyez une note de Voltaire sur le chapitre xxvii.
  3. Voyez, dans les Mélanges, à la date de 1748, les Anecdotes sur Louis XIV.