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pés et montagneux, tels que son pays ; actif, vigilant, aimant l’ordre, mais faisant des fautes et comme prince et comme général. Il en fit une, à ce qu’on prétend, en disposant mal son armée devant celle de Catinat. (18 août 1690) Le général français en profita, et gagna une pleine victoire, à la vue de Saluces, auprès de l’abbaye de Staffarde, dont cette bataille a eu le nom. Lorsqu’il y a beaucoup de morts d’un côté et presque point de l’autre, c’est une preuve incontestable que l’armée battue était dans un terrain où elle devait être nécessairement accablée[1]. L’armée française n’eut que trois cents hommes de tués ; celle des alliés, commandée par le duc de Savoie, en eut quatre mille. Après cette bataille, toute la Savoie, excepté Montmélian, fut soumise au roi. (1691) Catinat passe dans le Piémont, force les lignes des ennemis retranchés près de Suse, prend Suse, Villefranche, Montalban, Nice, réputée imprenable, Veillane, Carmagnole, et revient enfin à Montmélian dont il se rend maître par un siège opiniâtre.

Après tant de succès, le ministère diminua l’armée qu’il commandait, et le duc de Savoie augmenta la sienne. Catinat, moins fort que l’ennemi vaincu, fut longtemps sur la défensive ; mais enfin, ayant reçu des renforts, il descendit des Alpes vers la Marsaille, et là il gagna une seconde bataille rangée (4 octobre 1693), d’autant plus glorieuse que le prince Eugène de Savoie était un des généraux ennemis.

(30 juin 1690) À l’autre bout de la France, vers les Pays-Bas, le maréchal de Luxembourg gagnait la bataille de Fleurus[2] ; et, de l’aveu de tous les officiers, cette victoire était due à la supériorité de génie que le général français avait sur le prince de Valdeck, alors général de l’armée des alliés. Huit mille prisonniers, six mille morts, deux cents drapeaux ou étendards, le canon, les bagages, la fuite des ennemis, furent les marques de la victoire.

Le roi Guillaume, victorieux de son beau-père, venait de repasser la mer. Ce génie fécond en ressources tirait plus d’avantage d’une défaite de son parti que souvent les Français n’en tiraient de leurs victoires. Il lui fallait employer les intrigues, les négociations, pour avoir des troupes et de l’argent contre un roi

  1. Le duc de Savoie était dans une bonne position, mais il avait négligé d’occuper une vieille digue du Pô, et il fut pris en flanc. (G. A.)
  2. Plus d’un siècle après, une autre victoire a été remportée à Fleurus par les Français, le 26 Juin 1794, sous le commandement du général Jourdan. (B.)