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tifie ceux qui croient une fatalité à laquelle rien ne peut se soustraire, c’est cette suite continuelle de malheurs qui a persécuté la maison de Stuart pendant plus de trois cents années.


CHAPITRE XVI.

DE CE QUI SE PASSAIT DANS LE CONTINENT, TANDIS QUE GUILLAUME III ENVAHISSAIT L’ANGLETERRE, L’ÉCOSSE ET L’IRLANDE, JUSQU’EN 1697. NOUVEL EMBRASEMENT DU PALATINAT. VICTOIRES DBS MARÉCHAUX DE CATINAT ET DE LUXEMBOURG, ETC.


N’ayant pas voulu rompre le fil des affaires d’Angleterre, je me ramène à ce qui se passait dans le continent.

Le roi, en formant ainsi une puissance maritime, telle qu’aucun État n’en a jamais eu de supérieure, avait à combattre l’empereur et l’empire, l’Espagne, les deux puissances maritimes, l’Angleterre et la Hollande, devenues toutes deux plus terribles sous un seul chef ; la Savoie, et presque toute l’Italie. Un seul de ces ennemis, tel que l’Anglais et l’Espagnol, avait suffi autrefois pour désoler la France ; et tous ensemble ne purent alors l’entamer. Louis XIV eut presque toujours cinq corps d’armée dans le cours de cette guerre, quelquefois six, jamais moins de quatre. Les armées en Allemagne et en Flandre se montèrent plus d’une fois à cent mille combattants. Les places frontières ne furent pas cependant dégarnies. Le roi avait quatre cent cinquante mille hommes en armes, en comptant les troupes de la marine. L’empire turc, si puissant en Europe, en Asie, et en Afrique, n’en a jamais eu autant, et l’empire romain n’en eut jamais davantage, et n’eut en aucun temps autant de guerres à soutenir à la fois. Ceux qui blâmaient Louis XIV de s’être fait tant d’ennemis l’admiraient d’avoir pris tant de mesures pour s’en défendre, et même pour les prévenir.

Ils n’étaient encore ni entièrement déclarés, ni tous réunis : le prince d’Orange n’était pas encore sorti du Texel pour aller chasser le roi son beau-père, et déjà la France avait des armées sur les frontières de la Hollande et sur le Rhin. Le roi avait envoyé en Allemagne, à la tête d’une armée de cent mille hommes[1],

  1. Voyez Saint-Simon, chapitre ccxix.