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France, n’ayant plus rien à ménager, fit bombarder Luxembourg. Il se saisit de Courtrai (novembre 1683), de Dixmude en Flandre. Il s’empara de Trèves, et en démolit les fortifications ; tout cela pour remplir, disait-on, l’esprit des traités de Nimègue. Les Impériaux et les Espagnols négociaient avec lui à Ratisbonne, pendant qu’il prenait leurs villes ; et la paix de Nimègue, enfreinte, fut changée en une trêve (août 1684) de vingt ans, par laquelle le roi garda la ville de Luxembourg et sa principauté, qu’il venait de prendre.

(Avril 1684) Il était encore plus redouté sur les côtes de l’Afrique, où les Français n’étaient connus, avant lui, que par les esclaves que faisaient les barbares.

Alger, deux fois bombardée, envoya des députés lui demander pardon, et recevoir la paix ; ils rendirent tous les esclaves chrétiens, et payèrent encore de l’argent, ce qui est la plus grande punition des corsaires.

Tunis, Tripoli, firent les mêmes soumissions. Il n’est pas inutile de dire que lorsque Damfreville, capitaine de vaisseau, vint délivrer dans Alger tous les esclaves chrétiens au nom du roi de France, il se trouva parmi eux beaucoup d’Anglais qui, étant déjà à bord, soutinrent à Damfreville que c’était en considération du roi d’Angleterre qu’ils étaient mis en liberté. Alors le capitaine français fit appeler les Algériens, et remettant les Anglais à terre : « Ces gens-ci, dit-il, prétendent n’être délivrés qu’au nom de leur roi, le mien ne prend pas la liberté de leur offrir sa protection ; je vous les remets : c’est à vous à montrer ce que vous devez au roi d’Angleterre. » Tous les Anglais furent remis aux fers. La fierté anglaise, la faiblesse du gouvernement de Charles II, et le respect des nations pour Louis XIV, se font connaître par ce trait.

Tel était ce respect universel qu’on accordait de nouveaux honneurs à son ambassadeur à la Porte Ottomane, tel que celui du sopha ; tandis qu’il humiliait les peuples d’Afrique qui sont sous la protection du Grand Seigneur.

La république de Gênes s’abaissa encore plus devant lui que celle d’Alger. Gênes avait vendu de la poudre et des bombes aux Algériens. Elle construisait quatre galères pour le service de l’Espagne. Le roi lui défendit par son envoyé Saint-Olon, l’un de ses gentilshommes ordinaires, de lancer à l’eau les galères, et la menaça d’un châtiment prompt si elle ne se soumettait à ses volontés. Les Génois, irrités de cette entreprise sur leur liberté, et comptant trop sur le secours de l’Espagne, ne firent aucune satis-