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ployait ce que l’art de la guerre peut avoir de plus grand et de plus habile. L’estime des hommes se mesure par les difficultés surmontées, et c’est ce qui a donné une si grande réputation à cette campagne de Turenne.

(Juin 1674) D’abord il fait une marche longue et vive, passe le Rhin à Philipsbourg, marche toute la nuit à Sintzheim, force cette ville ; et en même temps il attaque et met en fuite Caprara, général de l’empereur, et le vieux duc de Lorraine Charles IV, ce prince qui passa toute sa vie à perdre ses États et à lever des troupes, et qui venait de réunir sa petite armée avec une partie de celle de l’empereur. Turenne, après l’avoir battu, le poursuit, et bat encore sa cavalerie à Ladenbourg (juillet 1674) ; de là il court à un autre général des Impériaux, le prince de Bournonville, qui n’attendait que de nouvelles troupes pour s’ouvrir le chemin de l’Alsace ; il prévient la jonction de ces troupes, l’attaque, et lui fait quitter le champ de bataille (octobre 1674).

L’empire rassemble contre lui toutes ses forces : soixante et dix mille Allemands sont dans l’Alsace ; Brisach et Philipsbourg étaient bloqués par eux. Turenne n’avait plus que vingt mille hommes effectifs tout au plus. (Décembre) Le prince de Condé lui envoya de Flandre quelques secours de cavalerie ; alors il traverse, par Tanne et par Béfort, des montagnes couvertes de neige ; il se trouve tout d’un coup dans la haute Alsace, au milieu des quartiers des ennemis, qui le croyaient en repos en Lorraine, et qui pensaient que la campagne était finie. Il bat à Mulhausen les quartiers qui résistent ; il en fait deux prisonniers. Il marche à Colmar, où l’électeur de Brandebourg, qu’on appelle le grand électeur, alors général désarmées de l’empire, avait son quartier. Il arrive dans le temps que ce prince et les autres généraux se mettaient à table ; ils n’eurent que le temps de s’échapper, la campagne était couverte de fuyards.

Turenne, croyant n’avoir rien fait tant qu’il restait quelque chose à faire, attend encore auprès de Turkheim une partie de l’infanterie ennemie. L’avantage du poste qu’il avait choisi rendait sa victoire sûre : il défait cette infanterie (5 janvier 1675). Enfin une armée de soixante et dix mille hommes se trouve vaincue et dispersée presque sans grand combat. L’Alsace rese au roi, et les généraux de l’empire sont obligés de repasser le Rhin.

Toutes ces actions consécutives, conduites avec tant d’art, si patiemment digérées, exécutées avec tant de promptitude, furent également admirées des Français et des ennemis. La gloire de