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inscription qui contenait l’injure et la réparation. Le cardinal Chigi fut le premier légat de la cour romaine qui fut jamais envoyé pour demander pardon. Les légats, auparavant, venaient donner des lois et imposer des décimes. Le roi ne s’en tint pas à faire réparer un outrage par des cérémonies passagères et par des monuments qui le sont aussi (car il permit, quelques années après, la destruction de la pyramide) ; mais il força la cour de Rome à promettre de rendre Castro et Ronciglione au duc de Parme, à dédommager le duc de Modène de ses droits sur Comacchio ; et il tira ainsi d’une insulte l’honneur solide d’être le protecteur des princes d’Italie.

En soutenant sa dignité, il n’oubliait pas d’augmenter son pouvoir. (27 octobre 1662) Ses finances, bien administrées par Colbert, le mirent en état d’acheter Dunkerque et Mardick du roi d’Angleterre, pour cinq millions de livres, à vingt-six livres dix sous le marc. Charles II, prodigue et pauvre, eut la honte de vendre le prix du sang des Anglais. Son chancelier Hyde, accusé d’avoir ou conseillé ou souffert cette faiblesse, fut banni depuis par le parlement d’Angleterre, qui punit souvent les fautes des favoris, et qui quelquefois même juge ses rois.

(1663) Louis fit travailler trente mille hommes à fortifier Dunkerque du côté de la terre et de la mer. On creusa entre la ville et la citadelle un bassin capable de contenir trente vaisseaux de guerre, de sorte qu’à peine les Anglais eurent vendu cette ville qu’elle devint l’objet de leur terreur.

(30 août 1663) Quelque temps après le roi força le duc de Lorraine à lui donner la forte ville de Marsal. Ce malheureux Charles IV, guerrier assez illustre, mais prince faible, inconstant, et imprudent, venait de faire un traité par lequel il donnait la Lorraine à la France après sa mort, à condition que le roi lui permettrait de lever un million sur l’État qu’il abandonnait, et que les princes du sang de Lorraine seraient réputés princes du sang de France. Ce traité, vainement vérifié au parlement de Paris, ne servit qu’à produire de nouvelles inconstances dans le duc de Lorraine ; trop heureux ensuite de donner Marsal, et de se remettre à la clémence du roi.

Louis augmentait ses États même pendant la paix, et se tenait toujours prêt pour la guerre, faisant fortifier ses frontières, tenant ses troupes dans la discipline, augmentant leur nombre, faisant des revues fréquentes.

Les Turcs étaient alors très-redoutables en Europe ; ils attaquaient à la fois l’empereur d’Allemagne et les Vénitiens. La