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d’être de sa vertu. Mme de Motteville dit, avec sa noble et sincère naïveté, que « ces insolences faisaient horreur à la reine, et que les Parisiens, trompés, lui faisaient pitié ».

(6 janvier 1649) Elle s’enfuit de Paris avec ses enfants, son ministre, le duc d’Orléans, frère de Louis XIII, le grand Condé lui-même, et alla à Saint-Germain, où presque toute la cour coucha sur la paille[1] On fut obligé de mettre en gage chez les usuriers les pierreries de la couronne.

Le roi manqua souvent du nécessaire. Les pages de sa chambre furent congédiés, parce qu’on n’avait pas de quoi les nourrir. En ce temps-là même la tante de Louis XIV, fille de Henri le Grand, femme du roi d’Angleterre, réfugiée à Paris, y était réduite aux extrémités de la pauvreté ; et sa fille, depuis mariée au frère de Louis XIV, restait au lit, n’ayant pas de quoi se chauffer, sans que le peuple de Paris, enivré de ses fureurs, fît seulement attention aux afflictions de tant de personnes royales.

Anne d’Autriche, dont on vantait l’esprit, les grâces, la bonté, n’avait presque jamais été en France que malheureuse. Longtemps traitée comme une criminelle par son époux, persécutée par le cardinal de Richelieu, elle avait vu ses papiers saisis au Val-de-Grâce ; elle avait été obligée de signer en plein conseil qu’elle était coupable envers le roi son mari. Quand elle accoucha de Louis XIV, ce même mari ne voulut jamais l’embrasser selon l’usage, et cet affront altéra sa santé au point de mettre en danger sa vie. Enfin, dans sa régence, après avoir comblé de grâces tous ceux qui l’avaient implorée, elle se voyait chassée de la capitale par un peuple volage et furieux. Elle et la reine d’Angleterre, sa belle-sœur, étaient toutes deux un mémorable exemple des révolutions que peuvent éprouver les têtes couronnées ; et sa belle-mère, Marie de Médicis, avait été encore plus malheureuse[2].

La reine, les larmes aux yeux, pressa le prince de Condé de servir de protecteur au roi. Le vainqueur de Rocroi, de Fribourg, de Lens, et de Nordlingen, ne put démentir tant de services passés : il fut flatté de l’honneur de défendre une cour qu’il croyait ingrate, contre la Fronde, qui recherchait son appui. Le parlement eut donc le grand Condé à combattre, et il osa soutenir la guerre.

Le prince de Conti, frère du grand Condé, aussi jaloux de son aîné qu’incapable de l’égaler ; le duc de Longueville, le duc de

  1. Voyez Histoire du Parlement, chapitre lvi.
  2. Voyez tome XIII, pages 16, 30.