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entraîne, prêchait le peuple et s’en faisait idolâtrer. Il respirait la faction et les complots ; il avait été, à l’âge de vingt-trois ans, l’âme d’une conspiration contre la vie de Richelieu ; il fut l’auteur des barricades ; il précipita le parlement dans les cabales, et le peuple dans les séditions. Son extrême vanité lui faisait entreprendre des crimes téméraires, afin qu’on en parlât. C’est cette même vanité qui lui a fait répéter tant de fois : Je suis d’une maison de Florence aussi ancienne que celle des plus grands princes ; lui, dont les ancêtres avaient été des marchands, comme tant de ses compatriotes.

Ce qui paraît surprenant, c’est que le parlement, entraîné par lui, leva l’étendard contre la cour, avant même d’être appuyé par aucun prince.

Cette compagnie, depuis longtemps, était regardée bien différemment par la cour et par le peuple. Si l’on en croyait la voix de tous les ministres et de la cour, le parlement de Paris était une cour de justice faite pour juger les causes des citoyens : il tenait cette prérogative de la seule volonté des rois, il n’avait sur les autres parlements du royaume d’autre prééminence que celle de l’ancienneté et d’un ressort plus considérable ; il n’était la cour des pairs que parce que la cour résidait à Paris ; il n’avait pas plus de droit de faire des remontrances que les autres corps, et ce droit était encore une pure grâce : il avait succédé à ces parlements qui représentaient autrefois la nation française ; mais il n’avait de ces anciennes assemblées rien que le seul nom, et, pour preuve incontestable, c’est qu’en effet les états généraux étaient substitués à la place des assemblées de la nation ; et le parlement de Paris ne ressemblait pas plus aux parlements tenus par nos premiers rois qu’un consul de Smyrne ou d’Alep ne ressemble à un consul romain.

Cette seule erreur de nom était le prétexte des prétentions ambitieuses d’une compagnie d’hommes de loi, qui tous, pour avoir acheté leurs offices de robe, pensaient tenir la place des conquérants des Gaules, et des seigneurs des fiefs de la couronne. Ce corps, en tous les temps, avait abusé du pouvoir que s’arroge nécessairement un premier tribunal, toujours subsistant dans une capitale. Il avait osé donner un arrêt contre Charles VII, et le bannir du royaume[1] ; il avait commencé un procès criminel contre Henri III[2] ; il avait en tous les temps résisté, autant qu’il

  1. Voyez tome XII, page 46, et le chapitre vi de l’Histoire du Parlement.
  2. Voyez Histoire du Parlement, chapitre xxx. (Note de Voltaire.)