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vasion du Grand Seigneur. Ce n’était plus cette Venise autrefois la maîtresse du commerce du monde, qui, cent cinquante ans auparavant, avait excité la jalousie de tant de rois. La sagesse de son gouvernement subsistait ; mais son grand commerce anéanti lui ôtait presque toute sa force, et la ville de Venise était, par sa situation, incapable d’être domptée, et, par sa faiblesse, incapable de faire des conquêtes.

L’État de Florence jouissait de la tranquillité et de l’abondance sous le gouvernement des Médicis ; les lettres, les arts, et la politesse, que les Médicis avaient fait naître, florissaient encore. La Toscane alors était en Italie ce qu’Athènes avait été en Grèce.

La Savoie, déchirée par une guerre civile et par les troupes françaises et espagnoles, s’était enfin réunie tout entière en faveur de la France, et contribuait en Italie à l’affaiblissement de la puissance autrichienne.

Les Suisses conservaient, comme aujourd’hui, leur liberté, sans chercher à opprimer personne. Ils vendaient leurs troupes à leurs voisins plus riches qu’eux ; ils étaient pauvres ; ils ignoraient les sciences et tous les arts que le luxe a fait naître ; mais ils étaient sages et heureux[1].


DES ÉTATS DU NORD


Les nations du nord de l’Europe, la Pologne, la Suède, le Danemark, la Russie, étaient, comme les autres puissances, toujours en défiance ou en guerre entre elles. On voyait, comme aujourd’hui[2], dans la Pologne, les mœurs et le gouvernement des Goths et des Francs, un roi électif, des nobles partageant sa puissance, un peuple esclave, une faible infanterie, une cavalerie composée de nobles ; point de villes fortifiées ; presque point de commerce.

  1. Vers le milieu du règne de Louis XIV, les sciences ont été cultivées en Suisse. Ce pays a produit depuis quatre grands géomètres du nom de Bernouilli, dont les deux premiers appartiennent au siècle passé, et le célèbre anatomiste Haller. C’est actuellement une des contrées de l’Europe où il y a le plus d’instruction, où les sciences physiques sont le plus répandues, et les arts utiles cultivés avec le plus de succès. La philosophie proprement dite, la science de la politique, y ont fait moins de progrès ; mais leur marche doit nécessairement être plus lente dans de petites républiques que dans les grandes monarchies. (K.)
  2. Voltaire écrivait en 1751. Depuis lors le sort de la Pologne a subi bien des changements. Après deux partages, l’un en 1772, l’autre en 1795, ce qu’on appelle aujourd’hui le royaume de Pologne est réuni à la Russie, mai 1830. (B.)