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SIÈCLE
DE
LOUIS XIV


CHAPITRE I.

INTRODUCTION.


Ce n’est pas seulement la vie de Louis XIV qu’on prétend écrire ; on se propose un plus grand objet. On veut essayer de peindre à la postérité, non les actions d’un seul homme, mais l’esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais.

Tous les temps ont produit des héros et des politiques ; tous les peuples ont éprouvé des révolutions ; toutes les histoires sont presque égales pour qui ne veut mettre que des faits dans sa mémoire. Mais quiconque pense, et, ce qui est encore plus rare, quiconque a du goût, ne compte que quatre siècles dans l’histoire du monde. Ces quatre âges heureux sont ceux où les arts ont été perfectionnés, et qui, servant d’époque à la grandeur de l’esprit humain, sont l’exemple de la postérité.

Le premier de ces siècles, à qui la véritable gloire est attachée, est celui de Philippe et d’Alexandre, ou celui des Périclès, des Démosthène, des Aristote, des Platon, des Apelle, des Phidias, des Praxitèle ; et cet honneur a été renfermé dans les limites de la Grèce : le reste de la terre alors connue était barbare.

Le second âge est celui de César et d’Auguste, désigné encore par les noms de Lucrèce, de Cicéron, de Tite-Live, de Virgile, d’Horace, d’Ovide, de Varron, de Vitruve.

Le troisième est celui qui suivit la prise de Constantinople par Mahomet II. Le lecteur peut se souvenir qu’on vit alors en Italie une famille de simples citoyens faire ce que devaient entreprendre les rois de l’Europe. Les Médicis appelèrent à Florence