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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

Prédicateur qui fut à l’égard du P. Bourdaloue ce que Rotrou est pour Corneille, son prédécesseur et rarement son égal. Il est compté parmi les premiers restaurateurs de l’éloquence, plutôt que dans le petit nombre des hommes véritablement éloquents. Mort en 1672.

Sénecé (Antoine Bauderon de), né en 1643, premier valet de chambre de Marie-Thérèse ; poëte d’une imagination singulière. Son conte du Kaïmac, à quelques endroits près, est un ouvrage distingué. C’est un exemple qui apprend qu’on peut très-bien conter d’une autre manière que La Fontaine. On peut observer que cette pièce, la meilleure qu’il ait faite, est la seule qui ne se trouve pas dans son recueil. Il y a aussi dans ses Travaux d’Apollon des beautés singulières et neuves. Mort en 1737.

Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de), femme du marquis de Sévigné, née en 1626[1]. Ses lettres, remplies d’anecdotes, écrites avec liberté, et d’un style qui peint et anime tout, sont la meilleure critique des lettres étudiées où l’on cherche l’esprit, et encore plus de ces lettres supposées dans lesquelles on veut imiter le style épistolaire en étalant de faux sentiments et de fausses aventures à des correspondants imaginaires[2]. C’est dommage qu’elle manque absolument de goût, qu’elle ne sache pas rendre justice à Racine, qu’elle égale l’Oraison funèbre de Turenne, prononcée par Mascaron, au grand chef-d’œuvre de Fléchier[3]. Morte en 1696.

Silva (Jean-Baptiste), né à Bordeaux, très-célèbre médecin à Paris, a fait un livre estimé sur la saignée ; il était fort au-dessus de son livre. C’était un de ces médecins que Molière n’eût pu ni osé rendre ridicules. Né en 1684. Mort vers l’an 1746[4].

Simon (Richard), né en 1638, de l’Oratoire ; excellent critique. Son Histoire de l’origine et du progrès des revenus ecclésiastiques et son Histoire critique du vieux Testament, etc., sont lues de tous les savants. Mort à Dieppe en 1712.

  1. C’était l’opinion générale du temps de Voltaire ; mais Mme de Sévigné est née le 5 février 1627.
  2. Ce qui précède est de 1756, et conséquemment antérieur à la Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau ; Voltaire a eu en vue les Lettres diverses du chevalier d’Herm... (par Fontenelle). Ce qui suit est de 1768. (B.)
  3. Mme de Sévigné, dans sa lettre du 6 novembre 1675, dit que Mascaron a surpassé tout ce qu’on attendait de lui. Dans sa lettre du 10 novembre, elle appelle l’oraison funèbre admirable ; mais dans la lettre du 28 mars 1676, elle met l’oraison funèbre de Turenne, par Fléchier, au-dessus de celle par Mascaron.
  4. Silva, dont le nom se trouve dans des vers des second et quatrième Discours sur l’homme (voyez tome IX), est mort le 19 août 1742.