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ÉCRIVAINS FRANÇAIS


J’avais vécu une année entière avec Pope ; je savais qu’il était incapable d’écrire en français, qu’il ne parlait point du tout notre langue, et qu’à peine il pouvait lire nos auteurs ; c’était une chose publique en Angleterre. J’avertis Louis Racine que cette lettre était de Ramsay, et non de Pope. Je voulus lui faire sentir le ridicule de cette supercherie ; j’en instruisis même le public dans un chapitre sur Pope[1], qui a été imprimé plusieurs fois du vivant de Pope même. Cependant, après sa mort, l’abbé Ladvocat a imprimé cette lettre, forgée par Ramsay, et l’a imputée à Pope, dans son Dictionnaire historique portatif, où il copie plusieurs articles des premières éditions de cette liste des écrivains du siècle de Louis XIV, mais où il insère des anecdotes entièrement fausses. Il est juste de faire connaître au public la vérité.

Rancé (Armand-Jean Le Bouthillier de), né en 1626, commença par traduire Anacréon, et institua la réforme effrayante de la Trappe, en 1664. Il se dispensa, comme législateur, de la loi qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre. Il écrivit avec éloquence. Quelle inconstance dans l’homme ! Après avoir fondé et gouverné son institut, il se démit de sa place, et voulut la reprendre. Mort en 1700[2].

Rapin (René), né à Tours en 1621, jésuite, connu par le Poëme des jardins en latin, et par beaucoup d’ouvrages de littérature. Mort en 1687.

Rapin de Thoiras (Paul), né à Castres en 1661, réfugié en Angleterre, et longtemps officier. L’Angleterre lui fut longtemps redevable de la seule bonne histoire complète qu’on eût faite de ce royaume, et de la seule impartiale qu’on eût d’un pays où l’on n’écrivait que par esprit de parti ; c’était même la seule histoire qu’on pût citer en Europe comme approchante de la perfection qu’on exige de ces ouvrages, jusqu’à ce qu’enfin on ait vu paraître celle du célèbre Hume, qui a su écrire l’histoire en philosophe. Mort à Vésel en 1725.

Régis (Pierre-Sylvain), né en Agenois en 1632. Ses livres de philosophie n’ont plus de cours depuis les grandes découvertes qu’on a faites. Mort en 1707.

Regnard (Jean-François), né à Paris en 1656[3]. Il eût été célèbre

  1. Voyez la vingt-deuxième des Lettres philosophiques, dans les Mélanges, à la date de 1734.
  2. Le 27 octobre, selon la plupart des biographes ; mais le 31, selon une note apposée par un trappiste sur un manuscrit autographe de Rancé, intitulé de Trinitate, que possède la bibliothèque publique d’Alençon. (Cl.)
  3. Né à Paris le 8 février 1655, Regnard fut inhumé à Dourdan le 5 septembre 1709.