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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

remplies ne me paraissent pas d’un aussi mauvais latin que ses adversaires le disent. Il y a des expressions à la vérité, dont ni Cicéron, ni Virgile, ni Horace, ne se servent ; mais le vrai Pétrone est plein d’expressions pareilles, que de nouvelles mœurs et de nouveaux usages avaient mises à la mode. Au reste, je ne fais cet article touchant Nodot que pour faire voir que la satire de Pétrone n’est point du tout celle que le consul Pétrone envoya, dit-on, à Néron, avant de se faire ouvrir les veines : « Flagitia principis sub nominibus exoletorum feminarumque, et novitate cujusque stupri perscripsit, atque obsignata misit Neroni[1]. »

On a prétendu que le professeur Agamemnon est Sénèque ; mais le style de Sénèque est précisément le contraire de celui d’Agamemnon, turgida oratio ; Agamemnon est un plat déclamateur de collége.

On ose dire que Trimalcion est Néron. Comment un jeune empereur, qui après tout avait de l’esprit et des talents, peut-il être représenté par un vieux financier ridicule, qui donne à dîner à des parasites plus ridicules encore, et qui parle avec autant d’ignorance et de sottise que le Bourgeois gentilhomme de Molière ?

Comment la crasseuse et idiote Fortunata, qui est fort au-dessous de Mme Jourdain, pourrait-elle être la femme ou la maîtresse de Néron ? Quel rapport des polissons de collége, qui vivent de petits larcins dans des lieux de débauche obscurs, peuvent-ils avoir avec la cour magnifique et voluptueuse d’un empereur ? Quel homme sensé, en lisant cet ouvrage licencieux, ne jugera pas qu’il est d’un homme effréné, qui a de l’esprit, mais dont le goût n’est pas encore formé ; qui fait tantôt des vers très-agréables, et tantôt de très-mauvais ; qui mêle les plus basses plaisanteries aux plus délicates, et qui est lui-même un exemple de la décadence du goût dont il se plaint ?

La clef qu’on a donnée de Pétrone ressemble à celle des Caractères de La Bruyère ; elle est faite au hasard.

Ozanam (Jacques), juif d’origine, né près de Dombes en 1642. Il apprit la géométrie sans maître, dès l’âge de quinze ans. Il est le premier qui ait fait un dictionnaire de mathématiques. Ses Récréations mathématiques et physiques ont toujours un grand débit ; mais ce n’est plus l’ouvrage d’Ozanam ; comme les dernières éditions de Moréri ne sont plus son ouvrage. Mort en 1717.

Pagi (Antoine), Provençal, né en 1624, franciscain. Il a cor-

  1. Tacite, Annales xvi, 19. Voltaire revient sur le Pétrone de Nodot, dans le quatorzième chapitre de son Pyrrhonisme de l’histoire.