Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

de Richelieu, et cette réponse dure du ministre, ce mot cruel : rien. Le président Maynard, retiré enfin à Aurillac, fit ces vers[1], qui méritent autant d’être connus que son sonnet :

Par votre humeur le monde est gouverné ;
Vos volontés font le calme et l’orage ;
Vous vous riez de me voir confiné
Loin de la cour dans mon petit ménage ;
Mais n’est-ce rien que d’être tout à soi,
De n’avoir point le fardeau d’un emploi,
D’avoir dompté la crainte et l’espérance ?
Ah ! si le ciel, qui me traite si bien,
Avait pitié de vous et de la France,
Votre bonheur serait égal au mien.

Depuis la mort du cardinal, il dit dans d’autres vers que le tyran est mort, et qu’il n’en est pas plus heureux. Si le cardinal

  1. Ces vers sont intitulés Sonnet, page 31 de l’édition des Œuvres, citée dans la note précédente ; mais c’est un sonnet irrégulier. En voici le texte, qui est bien différent de celui que donne Voltaire :

    Par vos humeurs le monde est gouverné ;
    Vos volontés font le calme et l’orage ;
    Et vous riez de me voir confiné,
    Loin de la cour, dans mon petit village.

    Cléomédon, mes désirs sont contents :
    Je trouve beau le désert où j’habite.
    Et connais bien qu’il faut céder au temps,
    Fuir l’éclat, et devenir ermite.

    Je suis heureux de vivre sans emploi,
    De me cacher, de vivre tout à moi,
    D’avoir dompté la crainte et l’espérance.

    Et si le ciel, qui me traite si bien,
    Avait pitié de vous et de la France,
    Votre bonheur serait égal au mien.

    Il paraît que cette pièce de Maynard circula en 1756, sous le titre de Compliment à la chèvre, et qu’on l’attribua à Voltaire ; voyez sa lettre à Mme  de Lutzelbourg, du 13 août 1756. (B.)