Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
DE CROMWELL.


CHAPITRE CLXXXI.


De Cromwell.


Après le meurtre de Charles Ier la chambre des communes défendit, sous peine de mort, de reconnaître pour roi ni son fils ni aucun autre. Elle abolit la chambre haute, où il ne siégeait plus que seize pairs du royaume, et resta ainsi souveraine en apparence de l’Angleterre et de l’Irlande.

Cette chambre, qui devait être composée de cinq cent treize membres, ne l’était alors que d’environ quatre-vingts. Elle fit un nouveau grand sceau, sur lequel étaient gravés ces mots : Le parlement de la république d’Angleterre. On avait déjà abattu la statue du roi, élevée dans la Bourse de Londres, et on avait mis en sa place cette inscription : Charles le dernier roi et le premier tyran[1].

Cette même chambre condamna à mort plusieurs seigneurs qui avaient été faits prisonniers en combattant pour le roi. Il n’était pas étonnant qu’on violât les lois de la guerre, après avoir violé celles des nations ; et pour les enfreindre plus pleinement encore, le duc Hamilton, Écossais, fut du nombre des condamnés. Cette nouvelle barbarie servit beaucoup à déterminer les Écossais à reconnaître pour leur roi Charles II ; mais, en même temps, l’amour de la liberté était si profondément gravé dans tous les cœurs qu’ils bornèrent le pouvoir royal autant que le parlement d’Angleterre l’avait limité dans les premiers troubles. L’Irlande reconnaissait le nouveau roi sans conditions. Cromwell alors se fit nommer gouverneur d’Irlande (1649) ; il partit avec l’élite de son armée, et fut suivi de sa fortune ordinaire.

Cependant Charles II était rappelé en Écosse par le parlement, mais aux mêmes conditions que ce parlement écossais avait faites au roi son père. On voulait qu’il fût presbytérien, comme les Parisiens avaient voulu que Henri IV, son grand-père, fût catholique. On restreignait en tout l’autorité royale ; Charles la voulait pleine et entière. L’exemple de son père n’affaiblissait point en lui des idées qui semblent nées dans le cœur des monarques. Le premier fruit de sa nomination au trône d’Écosse était déjà une guerre civile. Le marquis de Montrose, homme célèbre dans ces

  1. Ou plutôt: Exiit tyrannus, regum ultimus. (G. A.)