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DES MALHEURS ET DE LA MORT DE CHARLES Ier.

mourrait dans la véritable religion protestante ». C’est ainsi que les princes, en fait de religion, obéissent plus aux peuples que les peuples ne leur obéissent. Quand une fois ce qu’on appelle le dogme est enraciné dans une nation, il faut que le souverain dise qu’il mourra pour ce dogme. Il est plus aisé de tenir ce discours que d’éclairer le peuple[1].

Les armées du roi furent presque toujours commandées par le prince Robert[2], frère de l’infortuné Frédéric, électeur palatin, prince d’un grand courage, renommé d’ailleurs pour ses connaissances dans la physique, dans laquelle il fit des découvertes.

(1642) Les combats de Worcester et d’Edge-hill furent d’abord favorables à la cause du roi. Il s’avança jusque auprès de Londres. La reine sa femme lui amena de Hollande des soldats, de l’artillerie, des armes, des munitions. Elle repartit sur-le-champ pour aller chercher de nouveaux secours, qu’elle amena quelques mois après. On reconnaissait dans cette activité courageuse la fille de Henri IV. Les parlementaires ne furent point découragés ; ils sentaient leurs ressources : tout vaincus qu’ils étaient, ils agissaient comme des maîtres contre lesquels le roi était révolté.

Ils condamnaient à la mort, pour crime de haute trahison, les sujets qui voulaient rendre au roi des villes ; et le roi ne voulut point alors user de représailles contre ses prisonniers. Cela seul peut justifier, aux yeux de la postérité, celui qui fut si criminel aux yeux de son peuple. Les politiques le justifient moins d’avoir trop négocié, tandis qu’il devait, selon eux, profiter d’un premier succès, et n’employer que ce courage actif et intrépide qui seul peut finir de pareils débats.

(1643) Charles et le prince Robert, quoique battus à Newbury,

  1. Le dernier parti serait le plus noble et le plus sûr. Les princes ont cru faire un grand trait de politique en se parant d’un zèle religieux ; et ils n’ont fait par là que se mettre dans la dépendance des fanatiques de leur secte, et assurer aux partis politiques, soulevés contre eux, l’appui du fanatisme de toutes les autres ; or cet appui seul a pu donner à ces partis la force de résister à l’autorité royale, ou de la détruire.

    Il n’est pas même nécessaire, pour la sûreté et l’indépendance d’un prince, qu’il s’occupe directement du soin d’éclairer ses sujets ; il suffit qu’il cesse de protéger, et surtout de payer ceux dont le métier est de le tromper.

    Dans l’état actuel de l’Europe, toute révolution prompte est impossible, à moins que le fanatisme religieux n’en soit un des mobiles. Ainsi tous les soins que prend un prince pour protéger la religion, et empêcher le peuple de secouer le joug des prêtres, n’ont d’autre effet que de conserver aux factieux de ses États le seul moyen de renverser son trône, qu’ils puissent employer avec succès. (K.)

  2. Ou plutôt Rupert. (G. A.)