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CHAPITRE CLXXX.

nom du roi, et surtout de celui de la reine sa femme, parce qu’elle était catholique. Les deux chambres du parlement proposent d’armer les milices du royaume, bien entendu qu’elles ne mettront à leur tête que des officiers dépendants du parlement. On ne pouvait rien faire, selon la loi, au sujet des milices sans le consentement du roi. Le parlement s’attendait bien qu’il ne souscrirait pas à un établissement fait contre lui-même. Ce prince se retire, ou plutôt fuit vers le nord d’Angleterre. Sa femme, Henriette de France, fille de Henri IV, qui avait presque toutes les qualités du roi son père, l’activité et l’intrépidité, l’insinuation et même la galanterie, secourut en héroïne un époux à qui d’ailleurs elle était infidèle. Elle vend ses meubles et ses pierreries, emprunte de l’argent en Angleterre, en Hollande, donne tout à son mari, passe en Hollande elle-même pour solliciter des secours par le moyen de la princesse Marie, sa fille, femme du prince d’Orange. Elle négocie dans les cours du Nord ; elle cherche partout de l’appui, excepté dans sa patrie, où le cardinal de Richelieu, son ennemi, et le roi son frère, étaient mourants.

La guerre civile n’était point encore déclarée. Le parlement avait de son autorité mis un gouverneur, nommé le chevalier Hotham, dans Hull, petite ville maritime de la province d’York. Il n’y avait depuis longtemps des magasins d’armes et de munitions. Le roi s’y transporte, et veut y entrer. Hotham fait fermer les portes, et, conservant encore du respect pour la personne du roi, il se met à genoux sur les remparts, en lui demandant pardon de lui désobéir. On lui résista depuis moins respectueusement. Les manifestes du roi et du parlement inondent l’Angleterre. Les seigneurs attachés au roi se rendent auprès de lui. Il fait venir de Londres le grand sceau du royaume, sans lequel on avait cru qu’il n’y a point de loi ; mais les lois que le parlement faisait contre lui n’en étaient pas moins promulguées. Il arbora son étendard royal à Nottingham ; mais cet étendard ne fut d’abord entouré que de quelques milices sans armes. Enfin, avec les secours que lui fournit la reine sa femme, avec les présents de l’université d’Oxford qui lui donna toute son argenterie, et avec tout ce que ses amis lui fournirent, il eut une armée d’environ quatorze mille hommes.

Le parlement, qui disposait de l’argent de la nation, en avait une plus considérable. Charles protesta d’abord, en présence de la sienne, qu’il « maintiendrait les lois du royaume, et les priviléges mêmes du parlement armé contre lui, et qu’il vivrait et