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CHAPITRE CLXXIX.

Buckingham. (1628) Un fanatique nommé Felton, comme on la déjà dit, rendu furieux par cette animosité générale, assassina le premier ministre dans sa propre maison et au milieu de ses courtisans. Ce coup fit voir quelle fureur commençait dès lors à saisir la nation.

Il y avait un petit droit sur l’importation et l’exportation des marchandises, qu’on nommait droit de tonnage et de pontage. Le feu roi en avait toujours joui par acte du parlement, et Charles croyait n’avoir pas besoin d’un second acte. Trois marchands de Londres ayant refusé de payer cette petite taxe, les officiers de la douane saisirent leurs marchandises. Un de ces trois marchands était membre de la chambre basse. Cette chambre, ayant à soutenir à la fois ses libertés et celles du peuple, poursuivit les commis du roi. Le roi, irrité, cassa le parlement, et fit emprisonner quatre membres de la chambre. Ce sont là les faibles et premiers principes qui bouleversèrent tout l’État, et qui ensanglantèrent le trône.

À ces sources du malheur public se joignit le torrent des dissensions ecclésiastiques en Écosse. Charles voulut remplir les projets de son père dans la religion comme dans l’État. L’épiscopat n’avait point été aboli en Écosse au temps de la réformation, avant Marie Stuart ; mais ces évêques protestants étaient subjugués par les presbytériens. Une république de prêtres égaux entre eux gouvernait le peuple écossais. C’était le seul pays de la terre où les honneurs et les richesses ne rendaient pas les évêques puissants. La séance au parlement, les droits honorifiques, les revenus de leur siége, leur étaient conservés ; mais ils étaient pasteurs sans troupeau, et pairs sans crédit. Le parlement écossais, tout presbytérien, ne laissait subsister les évêques que pour les avilir. Les anciennes abbayes étaient entre les mains de séculiers, qui entraient au parlement en vertu de ce titre d’abbé. Peu à peu le nombre de ces abbés titulaires diminua. Jacques Ier rétablit l’épiscopat dans tous ses droits. Le roi d’Angleterre n’était pas reconnu chef de l’Église en Écosse ; mais, étant né dans le pays, et prodiguant l’argent anglais, les pensions et les charges à plusieurs membres, il était plus maître à Édimbourg qu’à Londres. Le rétablissement de l’épiscopat n’empêcha pas l’assemblée presbytérienne de subsister. Ces deux corps se choquèrent toujours, et la république synodale l’emporta toujours sur la monarchie épiscopale. Jacques, qui regardait les évêques comme attachés au trône, et les calvinistes presbytériens comme ennemis du trône, crut qu’il réunirait le peuple écossais aux évêques en faisant recevoir une liturgie nouvelle, qui était précisément la liturgie an-