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CHAPITRE CLXXIX.

royale, qu’il mêlait dans tous ses discours, et qu’il ne soutint point par ses actions, firent naître une faction qui renversa le trône, et en disposa plus d’une fois après l’avoir souillé de sang. Cette faction fut celle des puritains, qui a subsisté longtemps sous le nom de whigs ; et le parti opposé, qui fut celui de l’Église anglicane et de l’autorité royale, a pris le nom de torys. Ces animosités inspirèrent dès lors à la nation un esprit de dureté, de violence, et de tristesse, qui étouffa le germe des sciences et des arts à peine développé.

Quelques génies, du temps d’Élisabeth, avaient défriché le champ de la littérature, toujours inculte jusqu’alors en Angleterre. Shakespeare, et après lui Ben-Johnson, paraissaient dégrossir le théâtre barbare de la nation. Spencer avait ressuscité la poésie épique. François Bacon, plus estimable dans ses travaux littéraires que dans sa place de chancelier, ouvrait une carrière toute nouvelle à la philosophie. Les esprits se polissaient, s’éclairaient. Les disputes du clergé, et les animosités entre le parti royal et le parlement, ramenèrent la barbarie.

Les limites du pouvoir royal, des priviléges parlementaires et des libertés de la nation, étaient difficiles à discerner, tant en Angleterre qu’en Écosse. Celles des droits de l’épiscopat anglican et écossais ne l’étaient pas moins. Henri VIII avait renversé toutes les barrières ; Élisabeth en trouva quelques-unes nouvellement posées, qu’elle abaissa et qu’elle releva avec dextérité. Jacques Ier disputa : il ne les abattit point, mais il prétendit qu’il fallait les abattre toutes ; et la nation, avertie par lui, se préparait à les défendre. (1625 et suiv.) Charles Ier, bientôt après son avénement, voulut faire ce que son père avait trop proposé, et qu’il n’avait point fait.

L’Angleterre était en possession, comme l’Allemagne, la Pologne, la Suède, le Danemark, d’accorder à ses souverains les subsides comme un don libre et volontaire. Charles Ier voulut secourir l’électeur palatin, son beau-frère, et les protestants, contre l’empereur. Jacques, son père, avait enfin entamé ce dessein, la dernière année de sa vie, lorsqu’il n’en était plus temps. Il fallait de l’argent pour envoyer des troupes dans le bas Palatinat ; il en fallait pour les autres dépenses : ce n’est qu’avec ce métal qu’on est puissant, depuis qu’il est devenu le signe représentatif de toutes choses. Le roi en demandait comme une dette ; le parlement n’en voulait accorder que comme un don gratuit, et, avant de l’accorder, il voulait que le roi réformât des abus. Si l’on attendait dans chaque royaume que tous les abus fussent