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CHAPITRE CLXXVIII.

mais, après la bataille de Nordlingen, il fut obligé de prier le ministre français de daigner s’emparer de l’Alsace sous le titre de protecteur. Le cardinal de Richelieu promit l’Alsace à Bernard de Veimar, et fit ce qu’il put pour l’assurer à la France. Jusque-là ce ministre avait temporisé et agi sous main ; mais alors il éclata. Il déclara la guerre aux deux branches de la maison d’Autriche, affaiblies toutes les deux en Espagne et dans l’empire. C’est là le fort de cette guerre de trente années. La France, la Suède, la Hollande, la Savoie, attaquaient à la fois la maison d’Autriche, et le vrai système de Henri IV était suivi.

(15 février 1637) Ferdinand II mourut dans ces tristes circonstances, à l’âge de cinquante-neuf ans, après dix-huit ans d’un règne toujours troublé par des guerres intestines et étrangères, n’ayant jamais combattu que de son cabinet. Il fut très-malheureux, puisque dans ses succès il se crut obligé d’être sanguinaire, et qu’il fallut soutenir ensuite de grands revers. L’Allemagne était plus malheureuse que lui, ravagée tour à tour par elle-même, par les Suédois et par les Français, éprouvant la famine, la disette, et plongée dans la barbarie, suite inévitable d’une guerre si longue et si malheureuse.

Ferdinand II a été loué comme un grand empereur, et l’Allemagne ne fut jamais plus à plaindre que sous son gouvernement : elle avait été heureuse sous ce Rodolphe II qu’on méprise.

Ferdinand II laissa l’empire à son fils Ferdinand III, déjà élu roi des Romains ; mais il ne lui laissa qu’un empire déchiré, dont la France et la Suède partagèrent les dépouilles.

Sous le règne de Ferdinand III, la puissance autrichienne déclina toujours. Les Suédois, établis dans l’Allemagne, n’en sortirent plus : la France, jointe à eux, soutenait toujours le parti protestant de son argent et de ses armes ; et, quoiqu’elle fût elle-même embarrassée dans une guerre d’abord malheureuse contre l’Espagne, quoique le ministère eût souvent des conspirations ou des guerres civiles à étouffer, cependant elle triompha de l’empire, comme un homme blessé terrasse avec du secours un ennemi plus blessé que lui.

Le duc Bernard de Veimar, descendant de l’infortuné duc de Saxe, dépossédé par Charles-Quint, vengea sur l’Autriche les malheurs de sa race. Il avait été l’un des généraux de Gustave, et il n’y eut pas un seul de ces généraux qui, depuis sa mort, ne soutînt la gloire de la Suède. Le duc de Veimar fut le plus fatal de tous à l’empereur. Il avait commencé, à la vérité, par perdre la grande bataille de Nordlingen ; mais, ayant depuis rassemblé