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DU MINISTÈRE DU CARDINAL DE RICHELIEU.

(1637) Les intrigues de cour, les cabales, continuent toujours. La reine Anne d’Espagne, que nous nommons Anne d’Autriche, pour avoir écrit à la duchesse de Chevreuse, ennemie du cardinal et fugitive, est traitée comme une sujette criminelle. Ses papiers sont saisis, et elle subit un interrogatoire devant le chancelier Séguier. Il n’y avait point d’exemple en France d’un pareil procès criminel.

Tous ces traits rapprochés forment le tableau qui peint ce ministère. Le même homme semblait destiné à dominer sur toute la famille de Henri IV : à persécuter sa veuve dans les pays étrangers ; à maltraiter Gaston, son fils ; à soulever des partis contre la reine d’Angleterre, sa fille ; à se rendre maître de la duchesse de Savoie, son autre fille ; enfin à humilier Louis XIII en le rendant puissant, et à faire trembler son épouse.

Tout le temps de son ministère se passa ainsi à exciter la haine et à se venger ; et l’on vit presque chaque année des rébellions et des châtiments. La révolte du comte de Soissons fut la plus dangereuse : elle était appuyée par le duc de Bouillon, fils du maréchal, qui le reçut dans Sedan ; par le duc de Guise, petit-fils du Balafré, qui, avec le courage de ses ancêtres, voulait en faire revivre la fortune ; enfin par l’argent du roi d’Espagne, et par ses troupes des Pays-Bas. Ce n’était pas une tentative hasardée comme celle de Gaston.

Le comte de Soissons et le duc de Bouillon avaient une bonne armée ; ils savaient la conduire, et, pour plus grande sûreté, tandis que cette armée devait s’avancer, on devait assassiner le cardinal, et faire soulever Paris. Le cardinal de Retz, encore très-jeune, faisait dans ce complot son apprentissage de conspirations. (1641) La bataille de la Marfée, que le comte de Soissons gagna, près de Sedan, contre les troupes du roi, devait encourager les conjurés ; mais la mort de ce prince, tué dans la bataille, tira encore le cardinal de ce nouveau danger. Il fut, cette fois seule, dans l’impuissance de punir. Il ne savait pas la conspiration contre sa vie, et l’armée révoltée était victorieuse. Il fallut négocier avec le duc de Bouillon, possesseur de Sedan. Le seul duc de Guise, le même qui depuis se rendit maître de Naples, fut condamné par contumace au parlement de Paris.

Le duc de Bouillon, reçu en grâce à la cour, et raccommodé en apparence avec le cardinal, jura d’être fidèle, et dans le même temps il tramait une nouvelle conspiration. Comme tout ce qui approchait du roi haïssait le ministre, et qu’il fallait toujours au roi un favori, Richelieu lui avait donné lui-même le