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DU MINISTÈRE DU CARDINAL DE RICHELIEU.

le temps paraissait venu d’accabler la puissance d’Autriche dans son déclin. La Picardie et la Champagne étaient les bornes de la France : on pouvait les reculer, tandis que les Suédois étaient encore dans l’empire. Les Provinces-Unies étaient prêtes d’attaquer le roi d’Espagne dans la Flandre, pour peu que la France les secondât. Ce sont là les seuls motifs de la guerre contre l’empereur, qui ne finit que par les traités de Vestphalie, et de celle contre le roi d’Espagne, qui dura longtemps après jusqu’au traité des Pyrénées : toutes les autres raisons ne furent que des prétextes.

(6 décembre 1634) La cour de France jusqu’alors, sous le nom d’alliée des Suédois et de médiatrice dans l’empire, avait cherché à profiter des troubles de l’Allemagne. Les Suédois avaient perdu une grande bataille à Nordlingen ; leur défaite même servit à la France, car elle les mit dans sa dépendance. Le chancelier Oxenstiern vint rendre hommage, dans Compiègne, à la fortune du cardinal, qui dès lors fut le maître des affaires en Allemagne, au lieu qu’Oxenstiern l’était auparavant. Il fait en même temps un traité avec les États-Généraux pour partager d’avance avec eux les Pays-Bas espagnols, qu’il comptait subjuguer aisément.

Louis XIII envoya déclarer la guerre à Bruxelles par un héraut d’armes. Ce héraut devait présenter un cartel au cardinal infant, fils de Philippe III, gouverneur des Pays-Bas. On peut observer que ce prince cardinal, suivant l’usage du temps, commandait des armées. Il avait été l’un des chefs qui gagnèrent la bataille de Nordlingen contre les Suédois. On vit dans ce siècle les cardinaux de Richelieu, de La Valette, et de Sourdis, endosser la cuirasse, et marcher à la tête des troupes : tous ces usages ont changé. La déclaration de guerre par un héraut d’armes ne se renouvela plus depuis ce temps-là : on se contenta de publier la guerre chez soi, sans l’aller signifier à ses ennemis.

Le cardinal de Richelieu attira encore le duc de Savoie et le duc de Parme dans cette ligue : il s’assura surtout du duc Bernard de Veimar, en lui donnant quatre millions de livres par an, et lui promettant le landgraviat d’Alsace. Aucun des événements ne répondit aux arrangements qu’avait pris la politique. Cette Alsace, que Veimar devait posséder, tomba longtemps après dans les mains de la France ; et Louis XIII, qui devait partager en une campagne les Pays-Bas espagnols avec les Hollandais, perdit son armée, et fut près de voir toute la Picardie en proie aux Espagnols (1636). Ils avaient pris Corbie. Le comte de Galas, général de l’empereur, et le duc de Lorraine, étaient déjà auprès de Dijon. Les armes de la France furent d’abord malheureuses de tous les