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ANNALES DE L’EMPIRE.

Rome alors était menacée par les musulmans, toujours cantonnés dans la Calabre. Carloman, ce roi de Bavière, ligué avec son frère le Lorrain, poursuit en Italie son oncle le Chauve, qui se trouve pressé à la fois par son neveu, par les mahométans, par les intrigues du pape, et qui meurt au mois d’octobre dans un village près du Mont-Cenis.

Les historiens disent qu’il fut empoisonné par son médecin, un Juif nommé Sédécias. Il est seulement constant que l’Europe chrétienne était alors si ignorante que les rois étaient obligés de prendre pour leurs médecins des Juifs ou des Arabes.

C’est à l’empire de Charles le Chauve que commence le grand gouvernement féodal, et la décadence de toutes choses. C’est sous lui que plusieurs possesseurs des grands offices militaires, des duchés, des marquisats, des comtés, veulent les rendre héréditaires : ils faisaient très-bien. L’empire romain avait été fondé par d’illustres brigands d’Italie ; des brigands du Nord en avaient élevé un autre sur ses débris. Pourquoi les sous-brigands ne se seraient-ils pas procuré des domaines ? le genre humain en souffrait, mais il a toujours été traité ainsi.



LOUIS III, ou LE BÈGUE,
sixième empereur.

878. Le pape Jean VIII, qui se croit en droit de nommer un empereur, se soutient à peine dans Rome. Il promet l’empire à Louis le Bègue, roi de France, fils du Chauve. Il le promet à Carloman de Bavière. Il s’engage avec un Lambert, duc de Spolette, vassal de l’empire.

Ce Lambert de Spolette, joué par le pape, se joint à un marquis de Toscane, entre dans Rome, et se saisit du pape ; mais il est ensuite obligé de le relâcher. Un Boson, duc d’Arles, prétend aussi à l’empire.

Les mahométans étaient plus près de subjuguer Rome que tous ces compétiteurs. Le pape se soumet à leur payer un tribut annuel de vingt cinq mille marcs d’argent. L’anarchie est extrême dans la Germanie, dans la France, et dans l’Italie.

Louis le Bègue meurt à Compiègne, le 10 avril 879. On ne l’a mis au rang des empereurs que parce qu’il était fils d’un prince qui l’était.