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CHAPITRE CLXXVI.

roi prend enfin lui-même de la Savoie ; il amène avec lui les deux reines, son frère, et toute une cour ennemie du cardinal, mais qui n’est que témoin de ses triomphes. Le cardinal revient trouver le roi à Grenoble ; ils marchent ensemble en Savoie. Une maladie contagieuse attaqua dans ce temps Louis XIII, et l’obligea de retourner à Lyon. C’est pendant ce temps-là que le duc de Montmorency remporte, avec peu de troupes, une victoire signalée, au combat de Végliane, sur les Impériaux, les Espagnols, et les Savoisiens : il blesse et prend lui-même le général Doria. Cette action le combla de gloire. Le roi lui écrivit (juillet 1630) : « Je me sens obligé envers vous autant qu’un roi le puisse être. » Cette obligation n’empêcha pas que Montmorency ne mourût deux ans après sur un échafaud.

Il ne fallait pas moins qu’une telle victoire pour soutenir la gloire et les intérêts de la France, tandis que les Impériaux prenaient et saccageaient Mantoue, poursuivaient le duc protégé par Louis XIII, et battaient les Vénitiens ses alliés. Le cardinal, dont les plus grands ennemis étaient à la cour, laissait le duc de Montmorency combattre les ennemis de la France, et observait les siens auprès du roi. Ce monarque était alors mourant à Lyon. Les confidents de la reine régnante, trop empressés, proposaient déjà à Gaston d’épouser la femme de son frère, qui devait être bientôt veuve. Le cardinal se préparait à se retirer dans Avignon. Le roi guérit ; et tous ceux qui avaient fondé des espérances sur sa mort furent confondus. Le cardinal le suivit à Paris ; il y trouva beaucoup plus d’intrigues qu’il n’y en avait en Italie entre l’Empire, l’Espagne, Venise, la Savoie, Rome, et la France.

Mirabel, l’ambassadeur espagnol, était ligué contre lui avec les deux reines. Les deux frères Marillac, l’un maréchal de France, l’autre garde des sceaux, qui lui devaient leur fortune, se flattaient de le perdre et de succéder à son crédit. Le maréchal de Bassompierre, sans prétendre à rien, était dans leur confidence ; le premier valet de chambre, Béringhen, instruisait la cabale de ce qui se passait chez le roi. La reine mère ôte une seconde fois au cardinal la charge de surintendant de sa maison, qu’elle avait été forcée de lui rendre : emploi qui, dans l’esprit du cardinal, était au-dessous de sa fortune et de sa fierté, mais que par une autre fierté il ne voulait pas perdre. Sa nièce, depuis duchesse d’Aiguillon, est renvoyée, et Marie de Médicis, à force de plaintes et de prières redoublées, obtient de son fils qu’il dépouillera le cardinal du ministère.

Il n’y a dans ces intrigues que ce qu’on voit tous les jours dans