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DU MINISTÈRE DU CARDINAL DE RICHELIEU.

L’espérance renaît dans la ville, à la vue de la flotte préparée par Buckingham, qui paraît enfin sous le commandement de l’amiral Lindsey. Elle ne peut percer la digue. Quarante pièces de canon, établies sur un fort de bois, dans la mer, écartaient les vaisseaux. Louis se montrait sur ce fort exposé à toute l’artillerie de la flotte ennemie, dont tous les efforts furent inutiles.

La famine vainquit enfin le courage des Rochellois, et, après une année entière d’un siége où ils se soutinrent par eux-mêmes, ils furent obligés de se rendre (28 octobre 1628), malgré le poignard du maire, qui restait toujours sur la table de l’hôtel de ville pour percer quiconque parlerait de capituler. On peut remarquer que ni Louis XIII comme roi, ni le cardinal de Richelieu comme ministre, ni les maréchaux de France en qualité d’officiers de la couronne, ne signèrent la capitulation. Deux maréchaux de camp signèrent. La Rochelle ne perdit que ses priviléges ; il n’en coûta la vie à personne. La religion catholique fut rétablie dans la ville et dans le pays, et on laissa aux habitants leur calvinisme, la seule chose qui leur restât.

Le cardinal de Richelieu ne voulait pas laisser son ouvrage imparfait. On marchait vers les autres provinces où les réformés avaient tant de places de sûreté, et où leur nombre les rendait encore puissants. Il fallait abattre et désarmer tout le parti, avant de pouvoir déployer en sûreté toutes ses forces contre la maison d’Autriche, en Allemagne, en Italie, en Flandre, et vers l’Espagne. Il importait que l’État fût uni et tranquille, pour troubler et diviser les autres États.

Déjà l’intérêt de donner à Mantoue un duc dépendant de la France et non de l’Espagne, après la mort du dernier souverain, appelait les armes de la France en Italie. Gustave-Adolphe voulait descendre déjà en Allemagne, et il fallait l’appuyer.

Dans ces circonstances épineuses, le duc de Rohan, ferme sur les ruines de son parti, traite avec le roi d’Espagne, qui lui promet des secours, après en avoir donné contre lui un an auparavant. Philippe IV, roi catholique, ayant consulté son conseil de conscience, promet trois cent mille ducats par an au chef des calvinistes de France ; mais cet argent vient à peine. Les troupes du roi désolent le Languedoc. Privas est abandonné au pillage, et tout y est tué. Le duc de Rohan, ne pouvant soutenir la guerre, trouve encore le secret de faire une paix générale pour tout le parti, aussi bonne qu’on le pouvait. Le même homme, qui venait de traiter avec le roi d’Espagne en qualité de chef de parti, traite de même avec le roi de France son maître, dans le temps qu’il