On a imprimé dans plusieurs livres qu’ils abjuraient le christianisme au Japon : cette opinion a sa source dans l’aventure d’un Hollandais qui, s’étant échappé et vivant parmi les naturels du pays, fut bientôt reconnu ; il dit, pour sauver sa vie, qu’il n’était pas chrétien, mais Hollandais. Le gouvernement japonais a défendu depuis ce temps qu’on bâtît des vaisseaux qui pussent aller en haute mer. Ils ne veulent avoir que de longues barques à voiles et à rames pour le commerce de leurs îles. La fréquentation des étrangers est devenue chez eux le plus grand des crimes ; il semble qu’ils les craignent encore après le danger qu’ils ont couru. Cette terreur ne s’accorde ni avec le courage de la nation, ni avec la grandeur de l’empire ; mais l’horreur du passé a plus agi en eux que la crainte de l’avenir. Toute la conduite des Japonais a été celle d’un peuple généreux, facile, fier, et extrême dans ses résolutions : ils reçurent d’abord les étrangers avec cordialité ; et quand ils se sont crus outragés et trahis par eux, ils ont rompu avec eux sans retour.
Lorsque le ministre Colbert, d’éternelle mémoire, établit le premier une compagnie des Indes en France, il voulut essayer d’introduire le commerce des Français au Japon, comptant se servir des seuls protestants, qui pouvaient jurer qu’ils n’étaient pas de la religion des Portugais ; mais les Hollandais s’opposèrent à ce dessein, et les Japonais, contents de recevoir tous les ans chez eux une nation qu’ils font prisonnière, ne voulurent pas en recevoir deux.
Je ne parlerai point ici du royaume de Siam, qu’on nous représentait beaucoup plus vaste et plus opulent qu’il n’est ; on verra dans le Siècle de Louis XIV (chapitre xiv) le peu qu’il est nécessaire d’en savoir. La Corée, la Cochinchine, le Tunquin, le Laos, Ava, Pégu, sont des pays dont on a peu de connaissance ; et dans ce prodigieux nombre d’îles répandues aux extrémités de l’Asie, il n’y a guère que celle de Java, où les Hollandais ont établi le centre de leur domination et de leur commerce, qui puisse entrer dans le plan de cette histoire générale. Il en est ainsi de tous les peuples qui occupent le milieu de l’Afrique, et d’une infinité de peuplades dans le nouveau monde. Je remarquerai seulement qu’avant le XVIe siècle plus de la moitié du globe ignorait l’usage du pain et du vin ; une grande partie de l’Amérique et de l’Afrique orientale l’ignore encore, et il faut y porter ces nourritures pour y célébrer les mystères de notre religion.
Les anthropophages sont beaucoup plus rares qu’on ne le dit,