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CHAPITRE CXCV.

fit bientôt roi : il battit les Chinois, entra victorieux dans le Leaotong, et prit d’assaut la capitale.

Cette guerre se fit comme toutes celles des temps les plus reculés. Les armes à feu étaient inconnues dans cette partie du monde. Les anciennes armes, comme la flèche, la lance, la massue, le cimeterre, étaient en usage ; on se servait peu de boucliers et de casques, encore moins de brassards et de bottines de métal. Les fortifications consistaient en un fossé, un mur, des tours : on sapait le mur, ou on montait à l’escalade. La seule force du corps devait donner la victoire ; et les Tartares, accoutumés à dormir en plein champ, devaient avoir l’avantage sur un peuple élevé dans une vie moins dure.

Taïtsou, ce premier chef des hordes tartares, étant mort en 1626, dans le commencement de ses conquêtes, son fils, Taïtsong, prit tout d’un coup le titre d’empereur des Tartares, et s’égala à l’empereur de la Chine[1]. On dit qu’il savait lire et écrire, et il paraît qu’il reconnaissait un seul Dieu, comme les lettrés chinois ; il l’appelait Tien, comme eux. Il s’exprime ainsi dans une de ses lettres circulaires aux magistrats des provinces chinoises : « Le Tien élève qui lui plaît ; il m’a peut-être choisi pour devenir votre maître. » En effet, depuis l’année 1628, le Tien lui fit remporter victoire sur victoire. C’était un homme très-habile ; il poliçait son peuple féroce pour le rendre obéissant, et établissait des lois au milieu de la guerre. Il était toujours à la tête de ses troupes, et l’empereur de la Chine, dont le nom est devenu obscur, et qui s’appelait Hoaitsong, restait dans son palais avec ses femmes et ses eunuques : aussi fut-il le dernier empereur du sang chinois. Il n’avait pas su empêcher que Taïtsong et ses Tartares lui prissent ses provinces du nord ; il n’empêcha pas davantage qu’un mandarin rebelle, nommé Li-tsé-tching, lui prît celles du midi. Tandis que les Tartares ravageaient l’orient et le septentrion de la Chine, ce Li-tsé-tching s’emparait de presque tout le reste. On prétend qu’il avait six cent mille hommes de cavalerie et quatre cent mille d’infanterie. Il vint avec l’élite de ses troupes aux portes de Pékin, et l’empereur ne sortit jamais de son palais ; il ignorait une partie de ce qui se passait. Li-tsé-tching le rebelle (on l’appelle ainsi parce qu’il ne réussit pas) renvoya à l’empereur deux de ses principaux eunuques faits prisonniers, avec une lettre fort courte, par laquelle il l’exhortait à abdiquer l’empire.

  1. D’après les tables chinoises le commencement de la dynastie Taï-Thsing date de 1616. (G. A.)