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CHAPITRE CXCIV.

retour dans sa patrie, il trouva un parti formé en faveur des princes de la maison royale qui existait encore ; et, au milieu de ces nouveaux troubles, il fut assassiné par son propre neveu, ainsi que l’avait été Myri-Veis, le premier auteur de la révolution. La Perse alors est devenue encore le théâtre des guerres civiles. Tant de dévastations y ont détruit le commerce et les arts, en détruisant une partie du peuple ; mais quand le terrain est fertile et la nation industrieuse, tout se répare à la longue.

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CHAPITRE CXCIV.


Du Mogol.


Cette prodigieuse variété de mœurs, de coutumes, de lois, de révolutions, qui ont toutes le même principe, l’intérêt, forme le tableau de l’univers. Nous n’avons vu ni en Perse ni en Turquie de fils révolté contre son père. Vous voyez dans l’Inde les deux fils du Grand Mogol Gean-Guir lui faire la guerre l’un après l’autre, au commencement du XVIIe siècle. L’un de ces deux princes, nommé Sha-Gean[1] s’empare de l’empire, en 1627, après la mort de son père, Gean-Guir[2], au préjudice d’un petit-fils à qui Gean-Guir avait laissé le trône. L’ordre de succession n’était point dans l’Asie une loi reconnue comme dans les nations de l’Europe. Ces peuples avaient une source de malheurs de plus que nous.

Sha-Gean, qui s’était révolté contre son père, vit aussi dans la suite ses enfants soulevés contre lui. Il est difficile de comprendre comment des souverains, qui ne pouvaient empêcher leurs propres enfants de lever contre eux des armées, étaient aussi absolus qu’on veut nous le faire croire. Il paraît que l’Inde était gouvernée à peu près comme l’étaient les royaumes de l’Europe du temps des grands fiefs. Les gouverneurs des provinces de l’Indoustan étaient les maîtres dans leurs gouvernements, et on donnait des vice-royautés aux enfants des empereurs. C’était manifestement un sujet éternel de guerres civiles : aussi, dès que la santé de

  1. Ou mieux Chah-Djehan.
  2. Ou mieux Djehanguir. (G. A.)