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DU MINISTÈRE DU CARDINAL DE RICHELIEU.

la Hollande, et aurait pu y parvenir, si elle avait trouvé, parmi les peuples de sa religion, des alliés qui la secourussent. Mais le cardinal de Richelieu sut d’abord armer contre elle ces mêmes Hollandais qui, par les intérêts de leur secte, devaient prendre parti pour elle, et jusqu’aux Anglais, qui, par l’intérêt d’État, semblaient encore plus la devoir défendre. Ce qu’on avait donné d’argent aux Provinces-Unies, et ce qu’on devait leur donner encore, les engagea à fournir une flotte contre ceux qu’elles appelaient leurs frères ; de sorte que le roi catholique secourait les calvinistes de son argent, et les Hollandais calvinistes combattaient pour la religion catholique, tandis que le cardinal de Richelieu (1621) chassait les troupes du pape de la Valteline en faveur des Grisons huguenots.

C’est un sujet de surprise que Soubise, à la tête de la flotte rochelloise, osât attaquer la flotte hollandaise auprès de l’île de Ré, et qu’il remportât l’avantage sur ceux qui passaient alors pour les meilleurs marins du monde (1621). Ce succès, en d’autres temps, aurait fait de la Rochelle une république affermie et puissante.

Louis XIII alors avait un amiral et point de flotte. Le cardinal, en commençant son ministère, avait trouvé dans le royaume tout à réparer ou à faire, et il n’avait pu, dans l’espace d’une année, établir une marine. À peine dix ou douze petits vaisseaux de guerre pouvaient être armés. Le duc de Montmorency, alors amiral, celui-là même qui finit depuis sa vie si tragiquement, fut obligé de monter sur le vaisseau amiral des Provinces-Unies ; et ce ne fut qu’avec des vaisseaux hollandais et anglais qu’il battit la flotte de la Rochelle.

Cette victoire même montrait qu’il fallait se rendre puissant sur mer et sur terre, quand on avait le parti calviniste à soumettre en France, et la puissance autrichienne à miner dans l’Europe. Le ministre accorda donc la paix aux huguenots pour avoir le temps de s’affermir (1626).

Le cardinal de Richelieu avait dans la cour de plus grands ennemis à combattre. Aucun prince du sang ne l’aimait ; Gaston, frère de Louis XIII, le détestait ; Marie de Médicis commençait à voir son ouvrage d’un œil jaloux : presque tous les grands cabalaient.

Il ôte la place d’amiral au duc de Montmorency, pour se la donner bientôt à lui-même sous un autre nom, et par là il se fait un ennemi irréconciliable. (1626) Deux fils de Henri IV, César de Vendôme et le grand-prieur, veulent se soutenir contre lui, et