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CHAPITRE CXCI.


CHAPITRE CXCI.


De l’empire ottoman au xviie siècle. Siége de Candie. Faux messie.


Après la mort de Sélim II (1585), les Ottomans conservèrent leur supériorité dans l’Europe et dans l’Asie. Ils étendirent encore leurs frontières sous le règne d’Amurat III. Ses généraux prirent, d’un côté, Raab en Hongrie, et de l’autre, Tibris en Perse. Les janissaires, redoutables aux ennemis, l’étaient toujours à leurs maîtres ; mais Amurat III leur fit voir qu’il était digne de leur commander. (1593) Ils vinrent un jour lui demander la tête du tefterdar, c’est-à-dire du grand-trésorier. Ils étaient répandus en tumulte à la porte intérieure du sérail, et menaçaient le sultan même. Il leur fait ouvrir la porte : suivi de tous les officiers du sérail, il fond sur eux le sabre à la main, il en tue plusieurs ; le reste se dissipe et obéit. Cette milice si fière souffre qu’on exécute à ses yeux les principaux auteurs de l’émeute ; mais quelle milice que des soldats que leur maître était obligé de combattre ! On pouvait quelquefois la réprimer ; mais on ne pouvait ni l’accoutumer au joug, ni la discipliner, ni l’abolir, et elle disposa souvent de l’empire.

Mahomet III, fils d’Amurat, méritait plus qu’aucun sultan que ses janissaires usassent contre lui du droit qu’ils s’arrogeaient de juger leurs maîtres. Il commença son règne, à ce qu’on dit, par faire étrangler dix-neuf de ses frères, et par faire noyer douze femmes de son père, qu’on croyait enceintes. On murmura à peine ; il n’y a que les faibles de punis : ce barbare gouverna avec splendeur. Il protégea la Transylvanie contre l’empereur Rodolphe II, qui abandonnait le soin de ses États et de l’empire ; il dévasta la Hongrie ; il prit Agria en personne (1596), à la vue de l’archiduc Mathias ; et son règne affreux ne laissa pas de maintenir la grandeur ottomane.

Pendant le règne d’Achmet Ier son fils, depuis 1603 jusqu’en 1631, tout dégénère, Sha-Abbas le Grand, roi de Perse, est toujours vainqueur des Turcs. (1603) Il reprend sur eux Tauris, ancien théâtre de la guerre entre les Turcs et les Persans ; il les chasse de toutes leurs conquêtes, et par là il délivre Rodolphe, Mathias et Ferdinand II d’inquiétude. Il combat pour les chré-