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CHAPITRE CLXXVI.

princes d’Italie, pour empêcher la maison d’Autriche, si puissante alors, de demeurer maîtresse de la Valteline.

Cette petite province, alors catholique, appartenait aux ligues grises qui sont réformées. Les Espagnols voulaient joindre ces vallées au Milanais. Le duc de Savoie et Venise, de concert avec la France, s’opposaient à tout agrandissement de la maison d’Autriche en Italie. Le pape Urbain VIII avait enfin obtenu qu’on séquestrât cette province entre ses mains, et ne désespérait pas de la garder.

Marquemont, ambassadeur de France à Rome, écrit à Richelieu une longue dépêche, dans laquelle il étale toutes les difficultés de cette affaire. Celui-ci répond par cette fameuse lettre: « Le roi a changé de conseil, et le ministère de maxime : on enverra une armée dans la Valteline, qui rendra le pape moins incertain et les Espagnols plus traitables. » Aussitôt le marquis de Cœuvres entre dans la Valteline avec une armée. On ne respecte point les drapeaux du pape, et on affranchit ce pays de l’invasion autrichienne. C’est là le premier événement qui rend à la France sa considération chez les étrangers.

(1625) L’argent manquait sous les précédents ministères, et l’on en trouve assez pour prêter aux Hollandais trois millions deux cent mille livres, afin qu’ils soient en état de soutenir la guerre contre la branche d’Autriche espagnole, leur ancienne souveraine. On fournit de l’argent à ce fameux chef Mansfeld, qui soutenait presque seul alors la cause de la maison palatine et des protestants contre la maison impériale.

Il fallait bien s’attendre, en armant ainsi les protestants étrangers, que le ministère espagnol exciterait ceux de France et qu’il leur rendrait (comme disait Mirabel, ambassadeur d’Espagne) l’argent donné aux Hollandais. Les huguenots, en effet, animés et payés par l’Espagne, recommencent la guerre civile en France. C’est depuis Charles-Quint et François Ier que dure cette politique entre les princes catholiques, d’armer les protestants chez autrui, et de les poursuivre chez soi. Cette conduite prouve assez manifestement que le zèle de la religion n’a jamais été, dans les cours, que le masque de la religion et de la perfidie.

Pendant cette nouvelle guerre contre le duc de Rohan et son parti, le cardinal négocie encore avec les puissances qu’il a outragées ; et ni l’empereur Ferdinand II, ni Philippe IV, roi d’Espagne, n’attaquent la France.

La Rochelle commençait à devenir une puissance ; elle avait alors presque autant de vaisseaux que le roi. Elle voulait imiter