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CHAPITRE CLXXXVIII.

vendaient seulement des drogues médicinales qu’on prenait au hasard. On en usait ainsi dans presque tout le Nord. Les hommes, bien loin d’y être exposés à l’abus des arts, n’avaient pas su encore se procurer les arts nécessaires.

Cependant la Suède pouvait alors devenir très-puissante. Sigismond, fils du roi Jean, avait été élu roi de Pologne, (1587) cinq ans avant la mort de son père. La Suède s’empara alors de la Finlande et de l’Estonie. (1600) Sigismond, roi de Suède et de Pologne, pouvait conquérir toute la Moscovie, qui n’était alors ni bien gouvernée ni bien armée ; mais Sigismond étant catholique, et la Suède luthérienne, il ne conquit rien, et perdit la couronne de Suède. Les mêmes états qui avaient déposé son oncle Éric le déposèrent aussi (1604), et déclarèrent roi un autre de ses oncles, qui fut Charles IX, père du grand Gustave-Adolphe. Tout cela ne se passa pas sans les troubles, les guerres et les conspirations qui accompagnent de tels changements. Charles IX n’était regardé que comme un usurpateur par les princes alliés de Sigismond ; mais en Suède il était roi légitime.

(1611) Gustave-Adolphe, son fils, lui succéda sans aucun obstacle, n’ayant pas encore dix-huit ans accomplis, qui est l’âge de la majorité des rois de Suède et de Danemark, ainsi que des princes de l’empire. Les Suédois ne possédaient point alors la Scanie, la plus belle de leurs provinces : elle avait été cédée au Danemark dès le XIVe siècle ; de sorte que le territoire de Suède était presque toujours le théâtre de toutes les guerres entre les Suédois et les Danois. La première chose que fit Gustave-Adolphe, ce fut d’entrer dans cette province de Scanie ; mais il ne put jamais la reprendre. Ses premières guerres furent infructueuses : il fut obligé de faire la paix avec le Danemark (1613). Il avait tant de penchant pour la guerre qu’il alla attaquer les Moscovites au delà de la Newa, dès qu’il fut délivré des Danois. Ensuite il se jeta sur la Livonie, qui appartenait alors aux Polonais, et, attaquant partout Sigismond, son cousin, il pénétra jusqu’en Lithuanie. L’empereur Ferdinand II était allié de Sigismond, et craignait Gustave-Adolphe. Il envoya quelques troupes contre lui. On peut juger de là que le ministère de France n’eut pas grande peine à faire venir Gustave en Allemagne. Il fit avec Sigismond et la Pologne une trêve pendant laquelle il garda ses conquêtes. Vous savez comme il ébranla le trône de Ferdinand II, et comme il mourut à la fleur de son âge, au milieu de ses victoires[1].

  1. Voyez chapitre clxxvi.