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CHAPITRE CLXXXV.
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ornements paraîtraient partout ailleurs des ouvrages immenses, et qui n’ont là qu’une juste proportion : c’est le chef-d’œuvre du Florentin Bernini, digne de mêler ses ouvrages avec ceux de son compatriote Michel-Ange.

Cet Urbain VIII, dont le nom était Barberini, aimait tous les arts ; il réussissait dans la poésie latine. Les Romains, dans une profonde paix, jouissaient de toutes les douceurs que les talents répandent dans la société, et de la gloire qui leur est attachée. (1644) Urbain réunit à l’État ecclésiastique le duché d’Urbino, Pesaro, Sinigaglia, après l’extinction de la maison de La Rovère, qui tenait ces principautés en fief du saint-siége. La domination des pontifes romains devint donc toujours plus puissante depuis Alexandre VIII. Rien ne troubla plus la tranquillité publique : à peine s’aperçut-on de la petite guerre qu’Urbain VIII, ou plutôt ses deux neveux, firent à Édouard, duc de Parme, pour l’argent que ce duc devait à la chambre apostolique sur son duché de Castro. Ce fut une guerre peu sanglante et passagère, telle qu’on qu’on la devait attendre de ces nouveaux Romains, dont les mœurs doivent être nécessairement conformes à l’esprit de leur gouvernement. Le cardinal Barberin, auteur de ces troubles, marchait à la tête de sa petite armée avec des indulgences. La plus forte bataille qui se donna fut entre quatre ou cinq cents hommes de chaque parti. La forteresse de Piégaia se rendit à discrétion dès qu’elle vit approcher l’artillerie ; cette artillerie consistait en deux couleuvrines. Cependant il fallut pour étouffer ces troubles, qui ne méritent point de place dans l’histoire, plus de négociations que s’il s’était agi de l’ancienne Rome et de Carthage. On ne rapporte cet événement que pour faire connaître le génie de Rome moderne, qui finit tout par la négociation comme l’ancienne Rome finissait tout par des victoires.

Les cérémonies de la religion, celles des préséances, les arts, les antiquités, les édifices, les jardins, la musique, les assemblées, occupèrent le loisir des Romains, tandis que la guerre de trente ans ruina l’Allemagne, que le sang des peuples et du roi coulait en Angleterre, et que bientôt après la guerre civile de la Fronde désola la France.

Mais si Rome était heureuse par sa tranquillité, et illustre par ses monuments, le peuple était dans la misère. L’argent qui servit à élever tant de chefs-d’œuvre d’architecture retournait aux autres nations par le désavantage du commerce.

Les papes étaient obligés d’acheter des étrangers le blé dont manquaient les Romains, et qu’on revendait en détail dans la