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DES SUCCESSEURS DE SIXTE-QUINT.

les jésuites. Fra-Paolo, qui réchappa de ses blessures, garda longtemps un des stylets dont il avait été frappé, et mit au-dessous cette inscription : Stilo della chiesa romana.

Le roi d’Espagne excitait le pape contre les Vénitiens, et le roi Henri IV se déclarait pour eux. Les Vénitiens armèrent à Vérone, à Padoue, à Bergame, à Brescia ; ils levèrent quatre mille soldats en France. Le pape, de son côté, ordonna la levée de quatre mille Corses, et de quelques Suisses catholiques. Le cardinal Borghèse devait commander cette petite armée. Les Turcs remercièrent Dieu solennellement de la discorde qui divisait le pape et Venise. Le roi Henri IV eut la gloire, comme je l’ai déjà dit[1], d’être l’arbitre du différend, et d’exclure Philippe III de la médiation. Paul V essuya la mortification de ne pouvoir même obtenir que l’accommodement se fit à Rome. Le cardinal de Joyeuse, envoyé par le roi de France à Venise, révoqua, au nom du pape, l’excommunication et l’interdit (1609). Le pape, abandonné par l’Espagne, ne montra plus que de la modération, et les jésuites restèrent bannis de la république pendant plus de cinquante ans : ils n’y ont été rappelés qu’en 1657, à la prière du pape Alexandre VII ; mais ils n’ont jamais pu y rétablir leur crédit.

Paul V, depuis ce temps, ne voulut plus faire aucune décision qui pût compromettre son autorité : on le pressa en vain de faire un article de foi de l’immaculée conception de la sainte Vierge ; il se contenta de défendre d’enseigner le contraire en public, pour ne pas choquer les dominicains, qui prétendent qu’elle a été conçue comme les autres dans le péché originel. Les dominicains étaient alors très-puissants en Espagne et en Italie.

Il s’appliqua à embellir Rome, à rassembler les plus beaux ouvrages de sculpture et de peinture. Rome lui doit ses plus belles fontaines, surtout celle qui fait jaillir l’eau d’un vase antique tiré des thermes de Vespasien, et celle qu’on appelle l’Acqua Paola, ancien ouvrage d’Auguste, que Paul V rétablit ; il y fit conduire l’eau par un aqueduc de trente-cinq mille pas, à l’exemple de Sixte-Quint : c’était à qui laisserait dans Rome les plus nobles monuments. Il acheva le palais de Monte-Cavallo. Le palais Borghèse est un des plus considérables. Rome, embellie sous chaque pape, devenait la plus belle ville du monde. Urbain VIII[2] construisit ce grand autel de Saint-Pierre, dont les colonnes et les

  1. Chapitre clxxiv.
  2. Voltaire ne juge pas même nécessaire de mentionner Grégoire XV après Paul V. (G. A.)