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CHAPITRE CLXXXIV.

princes du Japon, alors divisé en plusieurs souverainetés, envoyèrent chacun un de leurs plus proches parents saluer le roi d’Espagne, Philippe II, comme le plus puissant de tous les rois chrétiens, et le pape, comme père de tous les rois. Les lettres de ces trois princes au pape commençaient toutes par un acte d’adoration envers lui. La première, du roi de Bungo, était écrite « À l’adorable qui tient sur terre la place du roi du ciel » ; elle finit par ces mots : « Je m’adresse avec crainte et respect à Votre Sainteté, que j’adore, et dont je baise les pieds très-saints. » Les deux autres disent à peu près la même chose. L’Espagne se flattait alors que le Japon deviendrait une de ses provinces, et le saint-siége voyait déjà le tiers de cet empire soumis à sa juridiction ecclésiastique.

Le peuple romain eût été très-heureux sous le gouvernement de Grégoire XIII si la tranquillité publique de ses États n’avait pas été quelquefois troublée par les bandits. Il abolit quelques impôts onéreux, et ne démembra point l’État en faveur de son bâtard, comme avaient fait quelques-uns de ses prédécesseurs[1].

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CHAPITRE CLXXXIV.


De Sixte-Quint.


Le règne de Sixte-Quint a plus de célébrité que ceux de Grégoire XIII et de Pie V, quoique ces deux pontifes aient fait de grandes choses : l’un s’étant signalé par la bataille de Lépante, dont il fut le premier mobile, et l’autre par la réforme des temps. Il arrive quelquefois que le caractère d’un homme et la singularité de son élévation arrêtent sur lui les yeux de la postérité plus que les actions mémorables des autres. La disproportion qu’on croit

  1. Grégoire XIII approuva le massacre de la Saint-Barthélemy, l’annonça dans un consistoire comme un événement consolant pour la religion, et voulut en consacrer et en éterniser le souvenir par un tableau qu’il fit placer dans son palais. Cette seule action suffit pour rendre sa mémoire à jamais exécrable.

    Il fit aussi frapper une médaille sur ce sujet horrible. Elle porte le nom et le portrait de ce pape, et, au revers, des figures allégoriques avec ces mots : Ugonotorum strages, 1572. J’ai une de ces médailles entre mes mains. (K.)